Le père Matteo, notre curé.
Horaires de l'été 2025.
Messe à 9h30 à l'église Saint-Bruno et messe à 11h à l'église Saint-Denis de la Croix-Rousse.
Horaires du 29 juin au 6 juillet 2025.
Loi antique et loi nouvelle
(Hebr. 12, 18-20)
Chrysostome
Vous ne vous êtes pas approchés maintenant d'une montagne sensible et terrestre, ni d'un feu brûlant, d'un nuage obscur et ténébreux, des tempêtes, etc. ( Chap. XII, 18-20 ).
Analyse. 587.
1 et 2. Caractère de la loi antique : majestueuse terreur qui accompagne la promulgation de la loi, et fait trembler le peuple et Moïse lui-même. — Sens mystérieux et symbolique de cet appareil déployé au mont Sinaï. — Raison de chaque circonstance. — La loi nouvelle plus grande, bien que plus accessible. — Circonstances qui l'accompagnent et qui se révéleront surtout dans les splendeurs de l'éternité. — 3. Le monde passe, le sol tremble ; nous passons plus vite encore que ce monde si menacé : bâtissons ailleurs une maison permanente, dont les pauvres, assistés par nous, seront les constructeurs. — L'aumône est comparée à une reine qui entre librement dans le ciel, à la colombe dont Dieu admire la beauté ; à l'aigle endormi au pied du trône royal, et qui nous protège contre le jugement de Dieu. — L'aumône est un devoir, puisque Dieu nous a fait miséricorde à nous-mêmes. — D'ailleurs, toujours possible, elle peut offrir le denier de la veuve aussi bien et mieux que l'or du riche. — Offrande des chevelures pour le temple.
1. Il était vraiment grand et terrible, ce Saint des Saints qu'abritait l'ancien temple ; terrible avait été de même l'appareil déployé au mont Sinaï, ce feu, ces ténèbres, cette sombre nuée, cette tempête dont l'Écriture a dit que le Seigneur se montra sur le Sinaï au milieu des flammes, de la tempête et des nuées épaisses. Le Nouveau Testament ne fut publié avec aucune circonstance semblable ; Dieu le donna simplement par la parole. Voyez toutefois comme l'apôtre compare le cortège même extérieur des deux alliances ; et comme, avec raison, il donne tout l'avantage des circonstances mêmes à notre sainte loi. Déjà, quant au fond même, il a surabondamment prouvé, il a évidemment démontré la différence des deux Testaments, et la réprobation de l'Ancien ; dès lors, quant aux circonstances mêmes, il arrive à les juger facilement. Or, que dit-il ?
« Vous n'avez pas approché, en effet, aujourd'hui, au pied d'une montagne visible, auprès d'un feu ardent, d'un tourbillon, d'une sombre nuée, d'une tempête ; vous n'avez pas entendu le son de la trompette et le retentissement des paroles, que ceux qui les entendirent refusèrent d'écouter, en suppliant que la voix n'ajoutât pas un mot de plus. Car il ne pouvait supporter la rigueur de cette menace : Si une bête même touche la montagne, elle sera lapidée ( 18-20 ) ».
Terrible appareil, dit l'apôtre, si terrible même, qu'Israël ne put se résigner à en être témoin et qu'aucun animal même n'osa gravir la montagne. Mais toutes ces circonstances redoutables n'étaient pas comparables à celles que l'avenir devait révéler. En effet, qu'est-ce que le Sinaï comparé au ciel ? Qu'est-ce que ce feu sensible en comparaison du Dieu qui échappe à nos sens ? Car notre Dieu à nous, dit l'Écriture, est un feu dévorant. — « Que Dieu ne nous parle pas, criait ce peuple ; que ce soit plutôt Moïse qui nous parle » ( Exod. 20, 19 ). « Car ils ne pouvaient supporter », dit l'apôtre, « ce terrible arrêt : Qu'une bête même qui touchera la montagne, soit lapidée ; et le spectacle qui s'offrait était si terrible, que Moïse dit lui-même : Je suis tout tremblant et tout effrayé ( 21 ) ». Étonnez-vous encore que l'Écriture attribue au peuple ce même sentiment, lorsque le législateur même qui avait pénétré dans la nuée sombre où Dieu habitait, s'écriait à son tour : Je suis effrayé et tout tremblant !
« Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la ville du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, d'une troupe innombrable d'anges, de l'Église des premiers-nés qui sont écrits dans le ciel, de Dieu qui est le juge de tous, des esprits des justes qui sont dans la gloire ; de Jésus qui est le médiateur de la nouvelle alliance, et de ce sang dont l'aspersion parle plus avantageusement que le sang d'Abel ( 22-24 ) ».
Vous voyez par quels traits il montre la supériorité de la nouvelle alliance à l'égard de l'ancienne. — Au lieu de la Jérusalem terrestre, la céleste Jérusalem : vous vous êtes approchés, vous, de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste. — Au lieu de Moïse, Jésus : Jésus, dit-il, est le médiateur de la nouvelle alliance. — Au lieu du peuple israélile, les anges : L'innombrable multitude des anges, dit-il. — Mais, quels premiers-nés désigne-t-il par l'expression : L'Église des premiers-nés ? Il entend tous les chœurs des fidèles, qu'il appelé aussi les esprits des justes parfaits. Ainsi, poursuit-il, ne vous livrez pas au chagrin ; voilà ceux avec qui vous serez un jour.
587-588.
Mais quel esl le sens de la phrase : « De ce sang dont l'aspersion parle plus avantageusement que celui d'Abel ? » Le sang d'Abel a-t-il donc parlé ? Certainement, répond-il, et comment ? Paul encore vous le dit : « C'est par la foi qu'Abel offrit à Dieu une hostie plus excellente que celle de Caïn, et que grâce à cette victime, il fut déclaré juste ; c'est à cause de sa foi, qu'il parle encore « après sa mort ». Dieu lui-même le dit : « La voix du sang de ton frère crie jusqu'à moi ». Tel est donc le sens du texte, à moins qu'on ne lui donne celui-ci : le sang d'Abel est encore célébré dans le monde, mais bien moins toutefois que celui de Jésus-Christ. Car le sang divin a purifié le monde, et il fait entendre une voix d'autant plus éclatante et plus significative, que la réalité l'emporte sur la figure, en fait de témoignage.
« Prenez garde de ne pas mépriser celui qui vous parle ; car si ceux qui ont méprisé celui qui leur parlait sur la terre, n'ont pu échapper à la punition, bien moins l'éviterons-nous, si nous rejetons celui qui nous parle du ciel ; lui dont la voix alors ébranla la terre, et qui a fait pour le temps où nous sommes, une nouvelle promesse, en disant : J'ébranlerai encore une fois, non seulement la terre, mais aussi le ciel. Or, en disant : Encore une fois, il déclare qu'il fera cesser les choses muables, comme étant faites pour un temps, afin qu'il ne demeure que celles qui sont pour toujours. C'est pourquoi commençant déjà à posséder ce royaume, qui n'est sujet à aucun changement, conservons la grâce, par laquelle nous puissions rendre à Dieu un culte qui lui soit agréable, étant accompagné de respect et d'une sainte frayeur. Car notre Dieu est un feu dévorant ( 25-29 ) ». Si l'appareil antique est terrible, le nouveau est beaucoup plus admirable et plus glorieux. Nous n'y voyons plus les ténèbres, les nuées sombres, la tempête. Et si l'on demande pourquoi Dieu se montrait alors par le feu, il me semble que cette circonstance indiquait figurément l'obscurité de l'Ancien Testament, et cette loi mosaïque si voilée, si enveloppée d'ombres épaisses. On comprenait par là d'ailleurs que le législateur doit, au besoin, être terrible et capable de punir les transgresseurs.
2. Mais pourquoi le son de la trompette ? C'était l'occasion nécessaire, puisqu'elle retentit d'habitude pour annoncer un roi. Elle doit se faire entendre encore, bien certainement, au second avènement du Seigneur. Nous serons tous, dit l'apôtre, réveillés par la trompette, de sorte que la puissance de Dieu produira cette résurrection générale. Au reste, ce son de la trompette ne signifie qu'un fait ; c'est que tous, nous devrons ressusciter. Mais, en Israël, tout était réellement tableaux et voix ; tandis que dans l'avenir qui devait suivre, tout est pour l'intelligence seule, tout invisible. — Le feu n'avait non plus d'autre sens, sinon que Dieu même est un feu. Car, dit l'apôtre, « notre Dieu est un feu dévorant ». — La nuée sombre, les ténèbres, la fumée, montrent aussi qu'il s'agit d'une loi redoutable ; c'est dans la même pensée qu'Isaïe a dit : « Le temple fut rempli de fumée ». — Pourquoi la tempête du Sinaï ? Pour montrer la paresse et la lâcheté du genre humain. Il lui fallait de ces coups de tonnerre pour le réveiller ; aussi, ne se trouvait-il aucun homme assez stupide, assez alourdi, pour ne pas relever son âme vers les idées célestes, à l'heure où se produisaient ces faits terribles, alors que Dieu portait sa loi. — Enfin, Moïse parlait, et Dieu lui répondait. Il fallait, en effet, que cette voix de Dieu se fit entendre ; voulant présenter sa loi par l'organe de Moïse, il devait d'abord montrer ce Prophète comme digne de foi. D'ailleurs, on n'apercevait point Moïse à cause de cette sombre nuée ; on ne pouvait non plus l'enlendre à cause de la faiblesse de sa voix. Que restait-il donc, sinon que Dieu parlât lui-même, que sa voix s'adressât au peuple et fit écouter ses lois divines ?
Mais rappelons-nous notre premier texte : « Car vous ne vous êtes point approchés d'une montagne sensible, d'un feu ardent, du son de la trompette, et de cette voix que ceux qui l'entendirent s'excusèrent d'entendre, ne voulant plus qu'elle prononçât un mot ». Les Israélites furent donc cause que Dieu se montra dans notre chair. Car, que disaient-ils ? « Que Moïse nous parle, et que Dieu cesse de nous parler ».
Les orateurs qui procèdent par comparaisons, rabaissent plus que de droit les sujets étrangers, pour montrer que le leur est bien plus grand. Je me plais à croire, au contraire, que ces faits de l'Ancien Testament sont admirables, puisqu'ils sont les œuvres de Dieu et les démonstrations de sa puissance ; et cependant je démontre que notre histoire, à nous, présente plus et mieux à notre admiration. Nos mystères sont doublement grands, puisqu'ils sont plus glorieux et plus nobles, et toutefois d'un accès bien plus facile. C'est ce que saint Paul écrit aux Corinthiens : « Nous voyons, nous, à face découverte, la gloire du Seigneur » ; tandis que Moïse couvrait son visage d'un voile. Ainsi, dit l'apôtre, nos pères n'ont pas été honorés à l'égal de nous. Car, quel honneur leur fut accordé ? Celui de voir ces ténèbres et cette nuée, et d'entendre la voix divine. Vous l'avez entendue, vous aussi, cette voix, non pas à travers la nue, mais par l'organe d'un Dieu fait chair. Loin d'être troublés et bouleversés alors, vous êtes restés debout devant sa face, vous avez conversé avec voire médiateur.
588-589.
D'ailleurs, par les ténèbres du Sinaï, l'Écriture nous montre quelque chose de tout à fait invisible : « Une noire nuée », dit-elle, « était sous ses pieds ». Alors Moïse même tremblait ; maintenant, il n'est personne qui tremble. Alors, le peuple se tint au bas de la montagne ; mais nous, loin de rester en bas, nous montons au-delà des cieux, nous approchons de Dieu même, à titre d'enfants, mais non pas comme Moïse. — Là, on ne voit que désert ; chez nous, c'est la cité, c'est l'assemblée de milliers d'anges ; c'est la joie et l'allégresse qu'on nous montre, au lieu de ces nuages, de ces ténèbres, de cette tempête ; c'est « l'Église des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux ; c'est Dieu, juge de tous les hommes ». Là n'approchèrent jamais les Israélites ; ils se tinrent bien loin en arrière, Moïse comme les autres : vous, au contraire, vous vous êtes approchés. — Toutefois, l'apôtre leur imprime la crainte, en ajoutant : Vous voici aux pieds du Dieu, juge de tous les hommes, de celui dont le tribunal s'élève, non seulement pour les juifs et pour les fidèles, mais pour le monde entier. — « Les esprits des justes parfaits » désignent ici les âmes de tous les bons. — « Jésus, médiateur du Nouveau Testament, et l'aspersion de son sang », rappellent notre justification du péché. — « De ce sang qui parle mieux que celui d'Abel ». Si le sang même peut parler, à plus forte raison peut et doit vivre votre Sauveur mis à mort autrefois. Mais quel est son langage ? L'Esprit, répond saint Paul, « l'Esprit parle par des gémissements ineffables » ( Rom. 8, 26 ). Comment donc s'exprime-t-il ? C'est qu'en descendant au fond d'un cœur sincère, il le réveille, et lui prête même une voix.
« Gardez-vous de refuser d'entendre ce langage », c'est-à-dire, ne le repoussez jamais. « Car, si ceux qui ont méprisé celui qui leur parlait sur la terre… » De qui parle ici saint Paul ? Il semble désigner Moïse, et faire ce raisonnement : Si ceux qui ont méprisé un législateur terrestre, n'ont pu échapper au châtiment, comment nous soustraire nous-mêmes à celui qui, du haut du ciel, nous impose ses lois ? Toutefois, il n'enseigne pas, Dieu nous garde de le croire ! que ces législateurs soient différents ; il ne nous en montre pas deux dans ce texte, mais seulement que l'un apparaît terrible, quand sa voix tombe des hauteurs célestes. Au fond, c'est le même, pour Israël et pour nous ; mais, chez les Juifs, il est avant tout redoutable. L'apôtre nous montre donc la différence, non pas de donateur, mais seulement de donation. Et quelle est la preuve de ce fait ? C'est la suite même des paroles apostoliques. Car, dit-il, si pour avoir refusé d'entendre celui qui leur parlait sur la terre, ils n'ont pas échappé au châtiment, bien moins éviterons-nous celui qui nous parle du haut du ciel. Mais quoi ? Celui-ci est-il donc autre que le premier ? Non, car autrement, comment l'apôtre dirait-il que la « voix » du premier « ébranlait alors la lerre même ? » Et de fait, la voix du législateur antique ébranla la terre.
« Et c'est lui qui a fait pour le temps où nous sommes une nouvelle promesse, en disant : J'ébranlerai encore une fois, non seulement la terre, mais aussi le ciel ». Or, en disant : « Encore une fois », il déclare qu'il fera cesser les choses muables, comme étant faites pour un temps. Ainsi tout le rite antique devra disparaître de la scène, et se transformer en une loi meilleure par l'œuvre d'en-haut. C'est ce que le texte donne à comprendre ici. Pourquoi donc, ô fidèle, te désoler de souffrir sur cette terre non permanente, et d'être affligé dans un monde qui passe si vite ? Si les derniers jours de ce monde devaient être ceux de la paix et du bonheur, on concevrait qu'à la vue de cette fin heureuse, on fût affligé et impatient. — « Afin », dit saint Paul, « que les choses immuables demeurent seules enfin ». Quelles sont ces choses immuables ? Celles de l'avenir éternel.
3. Agissons donc uniquement et en tout pour acquérir cette vie ineffable, pour jouir de ces biens infinis. Oui, je vous en prie et vous en conjure, n'ayons pas d'autre ambition. Personne ne voudrait bâtir dans une ville dont la ruine serait certaine et prochaine. Répondez-moi, en effet : si l'on venait vous prédire que telle cité sera ruinée dans un an, et telle autre jamais, bâtiriez-vous dans celle qui devrait périr ? C'est pourquoi je vous dis maintenant : N'édifions rien en ce monde ? Tout y doit bientôt lomber et périr. Mais que parlé-je de cette ruine d'objets extérieurs ? Avant cette ruine nous périrons nous-mêmes, nous serons rudement frappés, nous sortirons de ce monde si menacé. Pourquoi bâtir sur le sable ? Bâtissons sur le roc ; quel que soit dès lors le choc imminent, notre édifice demeure irrésistible ; il se dresse inexpugnable.
Rien de plus sûr, en vérité : car dans ce lieu suprême, il n'est point d'accès aux attaques ennemies, tandis que ce triste séjour de la terre y est constamment exposé. Ici, en effet, les tremblements de terre, les incendies, les irruptions des ennemis, nous arrachent tout vivants au monde, et souvent nous emportent dans sa ruine. Que si le sol qui nous porte reste intact, il y a toujours quelque maladie pour nous enlever bientôt, ou pour nous empêcher de jouir si nous y restons. Car quel plaisir peut-on goûter dans ce séjour des maladies, des calomnies, des jalousies, des complots incessants ?
Fussions-nous à l'abri de ces maux, souvent nous sommes peines et désolés de n'avoir point d'enfants, de sorte qu'à défaut de ces chers héritiers à qui nous laisserions nos propriétés, nous souffrons cruellement de travailler pour d'autres. Souvent même notre héritage échoit à nos ennemis, non seulement après notre décès, mais même de notre vivant. Est-il donc rien de plus malheureux que de travailler pour des ennemis, que d'amasser pour soi des péchés sans nombre afin de leur laisser, à eux, le bonheur d'une vie tranquille ? Nos cités offrent de nombreux exemples de ce genre, et je m'arrête de peur d'affliger ceux qui sont ainsi privés de postérité ; mais je pourrais en désigner plusieurs par leur nom ; je pourrais vous redire plus d'une triste histoire, et vous montrer plusieurs maisons dont la porte s'est ouverte aux ennemis mêmes de ceux qui avaient sué pour les édifier et les embellir. Et ce ne sont pas seulement les maisons, mais les serviteurs, mais souvent l'héritage tout entier qui est ainsi échu à des ennemis. Ainsi vont les choses humaines. Dans les cieux, au contraire, vous n'avez à redouter rien de semblable ; ainsi vous n'avez pas à craindre qu'après le décès d'un juste, son ennemi ne se présente et ne lui ravisse son héritage. Là, en effet, plus de mort, plus d'inimitié possible, rien enfin que les tabernacles éternels des saints ; et parmi ces bienheureux, tout est bonheur, joie, allégresse. Car, dit le Prophète, « les cris d'allégresse retentissent dans les tentes des justes » ( Ps. 117, 15 ). Leurs demeures sont éternelles et ne connaissent point de fin ; elles n'éprouvent ni le ravage des temps, ni les changements de propriétaires ; mais elles s'élèvent dans une jeunesse et une beauté perpétuelles. La raison le proclame : en effet, là, rien de corruptible ni que la mort puisse attaquer ; tout est immortel et inaccessible aux coups du trépas.
Pour un tel édifice, versons à pleines mains notre argent. Il n'est besoin ni d'architectes ni d'ouvriers. Les mains des pauvres nous édifient ces palais, bien qu'ils soient boiteux, aveugles, mutilés : ils sont ici les constructeurs. N'en soyez pas surpris, puisque ce sont eux qui nous gagnent un trône même, et nous procurent l'entière confiance en Dieu.
590.
L'aumône en effet, est, de tous les arts, le meilleur et le plus utile à ceux qui savent l'employer. Amie de Dieu, toujours proche de lui, elle est admise facilement à tout demander pour ceux qu'elle adopte, pourvu que nous ne lui fassions pas d'injustice à elle-même. Or, c'est lui faire injure, que d'être aumôniers de biens volés. Que si, au contraire, l'aumône est pure et véritable, elle communique à ceux qui savent l'épancher, une merveilleuse confiance : tant est grande sa puissance, pour ceux mêmes qui ont péché ! Elle brise leurs fers, dissipe les ténèbres, éteint le feu, tue le ver rongeur, et leur épargne les grincements de dents. Devant elle, les portes des cieux s'ouvrent en toute sécurité. Et comme, lorsqu'une reine fait son entrée, aucun des gardes qui veillent aux portes du palais n'osera jamais s'enquérir de cette majesté ni de ses démarches, et qu'au contraire tous lui feront un humble accueil ; ainsi est reçue l'aumône, parce qu'elle est une véritable reine et qu'elle rend les hommes semblables à Dieu, selon qu'il est écrit : « Soyez miséricordieux, comme votre Père céleste est miséricordieux » ( Luc 6, 36 ).
Prompte et légère, armée de ses ailes d'or, l'aumône peut prendre un vol qui réjouit les anges. C'est d'elle que le Prophète a dit, « que le plumage de la colombe est argenté ; et que son dos reflète l'éclat de l'or pâlissant » ( Ps. 67, 14 ). Semblable à cette colombe vivante et illuminée d'or, elle prend son essor ; son aspect est souriant, son regard est plein de douceur, et d'une beauté que rien ne dépasse au monde. Le paon lui-même, avec ses splendeurs incontestables, n'est rien au près d'elle, tant cette habitante des cieux est belle et ravit l'admiration. Son regard toujours s'élève au ciel ; Dieu l'entoure de sa gloire ineffable ; c'est une vierge aux ailes d'or, splendidement parée, et dont les traits respirent la candeur et la mansuétude. C'est l'aigle, aussi puissant que léger, et qui dort au pied du trône royal ; dès que Dieu nous juge, elle retrouve son vol et se montre pour nous couvrir de ses ailes et nous sauver du supplice.
L'aumône ! Dieu la préfère aux sacrifices. Souvent il en parle, tant il l'aime : « Elle recueillera », dit-il, « la veuve, l'orphelin et le pauvre ». Dieu aime à emprunter d'elle son plus doux nom, d'après David qui appelle « le Seigneur bon, miséricordieux, patient, clément à l'infini, toujours vrai » ( Ps. 145, 9 ; 102, 8 ; 144, 8 ). Tandis qu'un autre Prophète s'écrie : « La miséricorde de Dieu règne sur la terre ; c'est elle qui a sauvé le genre humain » ( Ps. 56, 12 ). En effet, s'il n'avait eu pitié de nous, tout aurait péri. Cette miséricorde nous a réconciliés avec lui quand nous étions ses ennemis ; elle nous a comblés de grâces innombrables ; elle a décidé le Fils même de Dieu à se faire esclave, à s'anéantir pour nous.
Ah ! saintement jaloux, mes frères, imitons une vertu qui nous a sauvés ; aimons-la ; estimons-la plus que l'argent, et, si l'or nous manque, ayons, du moins le cœur miséricordieux. Rien ne caractérise le chrétien, autant que l'aumône ; rien n'est admiré de l'incrédule, ou pour mieux dire, de tout le monde, comme notre charité miséricordieuse. Nous-mêmes, d'ailleurs, nous avons besoin de cette miséricorde, puisque chaque jour nous disons à Dieu : « Ayez pitié de nous selon votre grande miséricorde » ( Ps. 24, 7 ). Commençons par la pratiquer nous-mêmes ; mais non ! jamais nous ne commençons, puisque Dieu d'abord a montré sa miséricorde envers nous : mais, bien chers frères, suivons cette trace divine. Car si les hommes aiment à rendre pitié pour pitié à celui même qui s'est couvert de crimes, mais qui a été miséricordieux, le Seigneur, bien plus que nous, adopte cette conduite.
Écoutez la parole du Prophète : « Pour moi », dit-il, « je suis dans la maison de Dieu comme l'olivier qui porte son fruit » ( Ps. 51, 10 ). Rendons-nous semblables à l'olivier. De tous côtés les préceptes divins nous pressent : il ne suffit pas qu'on soit l'olivier, il faut être celui encore qui porte son fruit. Il y a des gens qui ont quelque miséricorde, qui, dans l'intervalle de toute une année, donnent une fois, ou qui sont aumôniers chaque semaine seulement, ne donnant presque rien. Par leurs actes de miséricorde, voilà des oliviers, sans doute ; mais à des actes aussi peu larges, aussi peu généreux, vous ne reconnaissez pas des oliviers féconds. Quant à nous, soyons fertiles toujours !
Je l'ai dit souvent, et je le répèle aujourd'hui : ce n'est pas l'importance absolue de ce qu'on donne qui constitue la grandeur de l'aumône, mais bien la volonté et le cœur de celui qui donne. Vous connaissez l'histoire de la veuve ; car il est toujours utile de rappeler cet exemple, afin que le pauvre ne désespère pas de lui-même, à la vue de cette femme qui laissait tomber dans le tronc ses deux oboles. Quand on rebâtit le temple, on vit des gens offrir leurs cheveux mêmes, et ces humbles donateurs ne furent point repoussés. Si possédant de l'or, ils avaient fait cette offraude de leur chevelure seulement, ils méritaient d'être maudits ; mais s'ils n'ont fait ce sacrifice que parce que cette aumône seule leur était possible, Dieu les a bénis. C'est ainsi que Caîn fut réprimandé, non pas pour avoir offert des choses sans valeur, mais parce qu'il offrit ce qu'il avait de moindre dans ses propriétés. Car « maudit soit », dit un Prophète, « celui qui possède une victime mâle et sans défaut, et qui offre à Dieu une bête malade » ( Malach. 1, 14 ). Il ne réprouve pas absolument celui qui présente peu, mais celui qui possède et se montre avare. Donc, celui qui ne possède rien n'est point non plus coupable ; que dis-je ? sa moindre aumône a droit à la récompense. Car est-il plus pauvre sacrifice que celui de deux oboles ? Est-il un don plus misérable que celui d'une chevelure ? Est-il offrande plus vile que celle d'une petite mesure de farine ? Et cependant ces présents ne furent pas moins appréciés de Dieu que les veaux et l'or. Chacun est agréé de Lui en proportion de ce qu'il a, et non en proportion de ce qu'il n'a pas : car, dit l'Écriture, soyez bienfaisant selon ce que votre main possède.
590-591.
Je vous en prie donc, épanchons sur les pauvres, avec un cœur joyeux, nos biens, si chétifs qu'ils soient. Nous recevrons la même récompense que ceux qui auront donné davantage ; que dis-je ? nous serons récompensés plus que ceux qui auront prodigué l'or. Si nous suivons cette conduite, nous aurons droit aux trésors ineffables de Dieu ; pourvu que non contents d'écouter, nous agissions ; non contents de louer, nous nous mettions à l'œuvre. Puissions-nous y arriver tous par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec lequel, etc.
✝
Traité de l'Amour de Dieu
chap. XIII, XIV, XV.)
Saint Bernard..
Description de la condition des esclaves. p. 395
36. Quant à l'esclave et au mercenaire, ils ont aussi l'un et l'autre une loi, mais ils ne l'ont pas reçue du Seigneur; ils se la sont faite à eux-mêmes, l'un en n'aimant pas Dieu, l'autre, en ne l'aimant pas par-dessus toutes choses : leur loi, je le répète, est la leur et non pas celle de Dieu, à laquelle néanmoins la leur est soumise, car s'ils ont pu se faire chacun une loi, ils n'ont pu la soustraire à l'ordre immuable de la loi divine. À mes yeux, c'est se faire une loi à soi, que de préférer sa volonté propre à la loi éternelle et commune, et, par une imitation du Créateur, que j'appellerai contraire à l'ordre, de ne reconnaître d'autre maître que soi, ni d'autre règle que sa volonté propre, à l'exemple de Dieu, qui est sa propre loi et ne dépend que de lui-même.
Sa propre volonté est un pesant fardeau pour l'homme.
Hélas ! pour tous les enfants d'Adam, que cette volonté qui incline et courbe nos fronts jusqu'à nous rapprocher des enfers ( Psalm., LXXXVII, 4 ), est un lourd et insupportable fardeau ! « Infortuné que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ( Rom., VII. 24 ) ? II m'accable au point que si le Seigneur ne me venait en aide, il s'en faudrait de bien peu que je ne fusse abîmé dans l'enfer ( Psalm., XCIII, 17 ). C'était sous le poids de ce fardeau que gémissait celui qui disait : « Pourquoi m'avez-vous mis en opposition avec vous et pourquoi me suis-je devenu à charge à moi-même ( Job, VII, 20 ) ? Par ces mots : « Je me suis devenu à charge à moi-même, » il voulait dire qu'il était devenu sa propre loi et l'auteur même de cette loi.
La loi que l'homme s'est faite lui est lourde et insupportable.
Mais lorsqu'il commence par dire, en s'adressant à Dieu : « Vous m'avez mis en opposition avec vous, il montre qu'il ne s'est pas soustrait à l'action de la loi divine; car c'est encore le propre de cette loi éternelle et juste, que tout homme qui refuse de se soumettre à son doux empire devient son propre tyran, et que tous ceux qui rejettent le joug doux et le fardeau léger de la charité sont forcés de gémir sous le poids accablant de leur propre volonté. Ainsi la loi divine a fait d'une manière admirable, de celui qui l'abandonne, en même temps un adversaire et un sujet; car, d'un côté, il ne peut échapper à la loi de la justice, selon ce qu'il mérite, et de l'autre il n'approche de Dieu ni dans sa lumière, ni dans son repos, ni dans sa gloire : il est donc en même temps courbé sous la puissance de Dieu, et exclu de la félicité divine. Seigneur mon Dieu, pourquoi n'effacez-vous pas mon péché et pourquoi ne faites-vous pas disparaître mon iniquité, afin que, rejetant le poids accablant de ma volonté propre je respire sous le fardeau léger de la charité, et que, n'étant plus soumis aux étreintes de la crainte servile ni aux atteintes de la cupidité mercenaire, je ne sois plus poussé que par le souffle de votre esprit, de cet esprit de liberté qui est celui de vos enfants ( Rom., VIII, 14 ) ? Qui est-ce qui me rendra témoignage et me donnera l'assurance que, moi aussi, je suis du nombre de vos enfants, que votre loi est la mienne et que je suis au monde comme vous y êtes vous-même ? Car il est bien certain que, lorsqu'on observe ce précepte de l'Apôtre : « Acquittez-vous envers tous de ce que vous leur devez, ne demeurant chargés que de la dette de l'amour qu'on se doit toujours les uns aux autres ( Rom., XIII, 8 ), » on est en ce monde comme Dieu lui-même s'y trouve, et l'on n'est plus alors ni esclaves, ni mercenaires, mais enfants de Dieu.
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Comment il se fait que les justes ne sont point sans loi. p. 396
37. On voit donc, par là, que les enfants ne sont pas sans loi, à moins qu'on ne pense le contraire, parce qu'il est dit : « La loi n'est pas faite pour les justes ( I Tim., I, 9. ) » Mais il faut savoir qu'il y a une loi promulguée dans l'esprit de servitude, celle-là n'imprime que la crainte; et qu'il en est une autre dictée par l'esprit de liberté, celle-ci n'inspire que la douceur. Les enfants ne sont pas contraints de subir la première, mais ils sont toujours sous l'empire de la seconde. Voici donc en quel sens il est dit que la loi n'est pas faite pour les justes, selon ces paroles de l'Apôtre : « Vous n'avez point reçu l'esprit de servitude, pour vivre encore dans la crainte ( Rom., VIII, 15 ); et comment il faut entendre, néanmoins, qu'ils ne sont pas sans la loi de charité, d'après cet autre passage : « Vous avez reçu l'esprit d'adoption des enfants de Dieu. » Écoutez enfin de quelle manière le juste dit en même temps, qu'il est et qu'il n'est pas sous la loi. « Pour ceux, dit-il, qui étaient sous la loi, j'ai vécu comme si j'eusse encore été sous la loi, bien que je n'y fusse plus en effet; mais avec ceux qui n'avaient point de loi, j'ai vécu comme si j'eusse été aussi sans loi, tandis que j'en avais une aux yeux de Dieu, la loi de Jésus-Christ ( I Corinth., IX, 21 ). » Il n'est donc pas exact de dire : Il n'y a pas de loi pour les justes; mais il faut dire : « La loi n'est pas faite pour les justes, » c'est-à-dire, elle n'est pas faite pour les contraindre; mais celui qui leur impose cette loi pleine de douceur, la fait aimer et goûter aux justes qui l'observent sans contrainte. Voilà pourquoi le Seigneur dit si bien : « Prenez mon joug sur vous ( Matth., XI, 29 ), » comme s'il disait : Je ne vous l'impose pas malgré vous; prenez-le, si vous voulez; mais, si vous ne le faites pas je vous annonce qu'au lieu du repos que je vous promets, vous ne trouverez que peines et fatigues pour vos âmes.
Combien la loi de charité est douce.
38. C'est donc une loi douce et bonne que la charité; non seulement, elle est agréable et légère à porter, mais elle sait aussi rendre légères et douces les deux lois de l'esclave et du mercenaire; car, au lieu de les détruire, elle les fait observer, selon ce qu'a dit le Seigneur : « Je ne suis pas venu abolir, mais perfectionner la loi ( Matth., V, 17 ). » En effet elle tempère la première, règle la seconde et les adoucit toutes les deux.
En quel sens la charité est-elle exempte de toute crainte.
Jamais la charité n'ira sans la crainte, mais cette crainte est bonne; elle ne se dépouillera pas non plus de toute pensée d'intérêt, mais ses désirs sont réglés. La charité perfectionne donc la loi de l'esclave, en lui inspirant un généreux abandon, et celle du mercenaire, en donnant une bonne direction à ses désirs intéressés; or, cet abandon généreux uni à la crainte n'anéantit pas cette dernière; il la purifie seulement et fait disparaître ce qu'elle a de pénible. À la vérité, il n'y a plus cette appréhension du châtiment, dont la crainte servile n'est jamais exempte, mais la charité lui substitue une chaste et filiale qui subsiste toujours; car, s'il est écrit : « La charité parfaite bannit toute crainte ( I Joan., IV, 18 ), » on doit comprendre comme s'il y avait, bannit la crainte pénible du châtiment, dont nous avons dit que la crainte servile n'est jamais exempte. C'est une figure fort commune, qui consiste à prendre la cause pour l'effet.
Comment la cupidité se trouve parfaitement réglée par la charité.
Quant à la cupidité, elle se trouve aussi parfaitement réglée par la charité qui se joint à elle, lorsque, cessant de désirer ce qui est mal, elle commence à préférer ce qui est meilleur; elle n'aspire au bien que pour arriver au mieux. Quand, par la grâce de Dieu, on en est là, on n'aime le corps et tout ce qui y touche, que pour l'âme, l'âme pour Dieu et Dieu pour lui-même.
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39. Cependant, comme nous sommes charnels et que nous naissons de la concupiscence de la chair, la cupidité, c'est-à-dire, l'amour, doit commencer en nous par la chair; mais, si elle est dirigée dans la bonne voie, elle s'avance par degrés, sous la conduite de la grâce et ne peut manquer d'arriver enfin jusqu'à la perfection, par l'influence de J'esprit de Dieu; car ce qui est spirituel ne devance pas ce qui est animal ( I Corinth., XV, 16 ); au contraire, le spirituel ne vient qu'en second lieu : aussi avant de porter l'image de l'homme céleste, devons-nous commencer par porter celle de l'homme terrestre.
Description des diffétents degrés de l'amour dont il est parlé aux chap. VIII, IX et X.
L'homme commence donc par s'aimer lui-même, parce qu'il est chair et qu'il ne peut avoir de goût que pour ce qui se rapporte à lui; puis, quand il voit qu'il ne peut subsister par lui-même, il se met à rechercher par la foi, et à aimer Dieu, comme un être qui lui est nécessaire. Ce n'est donc qu'en second lieu qu'il aime Dieu; et il ne l'aime encore que pour soi, non pour lui. Mais lorsque, pressé par sa propre misère, il a commencé à servir Dieu et à se rapprocher de lui, par la méditation et par la lecture, par la prière et par l'obéissance, il arrive peu à peu et s'habitue insensiblement à connaître Dieu, et, par conséquent, à le trouver doux et bon : enfin, après avoir goûté combien il est aimable, il s'élève au troisième degré; alors, ce n'est plus pour soi, mais c'est pour Dieu même qu'il aime Dieu.
Il est impossible d'atteindre au quatrième degré de l'amour en cette vie.
Une fois arrivé là, il ne monte pas plus haut et je ne sais si, dans cette vie, l'homme peut vraiment s'élever au quatrième degré, qui est de ne plus s'aimer soi-même que pour Dieu. Ceux qui ont cru y être parvenus, affirment que ce n'est pas impossible; pour moi, je ne crois pas qu'on puisse jamais s'élever jusque-là, mais je ne doute point que cela n'arrive, quand le bon et fidèle serviteur est admis à partager la félicité de son maître et à s'enivrer des délices sans nombre de la maison de son Dieu; car, étant alors dans une sorte d'ivresse, il s'oubliera en quelque façon lui-même, il perdra le sentiment de ce qu'il est, et, absorbé tout entier en Dieu, il s'attachera à lui de toutes ses forces et ne fera bientôt plus qu'un même esprit avec lui. N'est-ce pas le sens de ces paroles du Prophète : « J'entrerai dans votre gloire, ô mon Seigneur et mon Dieu, et je ne songerai plus alors qu'à vos perfections ( Psalm., LXX, 16 ). » Il savait bien que, dès qu'il entrerait en possession de la gloire de Dieu, il serait dépouillé de toutes les infirmités de la chair et ne pourrait plus songer à elles, et, qu'étant devenu tout spirituel, il ne serait plus occupé que des perfections de Dieu.
Dans le ciel, les affections humaines se changent en affections divines.
40. Alors tous les membres du Christ pourront dire, en parlant d'eux, ce que Paul disait de notre chef : « Si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi ( II Cor., V, 16 ). » En effet, comme la chair et le sang ne posséderont point le royaume de Dieu, on ne s'y connaît point selon la chair. Ce n'est pas que notre chair ne doive y entrer un jour; mais elle n'y sera admise que dépouillée de toutes ses infirmités, l'amour de la chair sera absorbé par celui de l'esprit, et toutes les faiblesses des passions humaines, qui existent à présent, seront transformées en une puissance toute divine. Alors le filet que la charité jette aujourd'hui dans cette grande et vaste mer, pour en tirer sans cesse des poissons de tout genre, une fois ramené sur le rivage, rejettera les mauvais et ne retiendra plus que les bons. La charité remplit ici-bas, de toutes sortes de poissons, les vastes replis de son filet, puisqu'en se proportionnant à tous, selon les temps, en traversant et en partageant d'une certaine manière la bonne comme la mauvaise fortune de tous ceux qu'elle embrasse, elle s'est habituée à se réjouir avec ceux qui sont dans la joie, de même qu'à verser des larmes avec ceux qui sont dans l'affliction; mais, quand elle aura tiré son filet sur le rivage éternel, elle rejettera comme de mauvais poissons, tout ce qu'elle souffre de défectueux et ne conservera que ce qui peut plaire et flatter. Alors on ne verra plus saint Paul devenir faible avec les faibles ou brûler pour ceux qui se scandalisent, puisqu'il n'y aura plus ni scandales ni infirmités d'aucune sorte. Il ne faut pas croire non plus qu'il versera encore des larmes sur les pécheurs qui n'auront pas fait pénitence ici-bas : comme il n'y aura plus de pécheurs, il ne sera plus nécessaire de faire pénitence. Ne pensez pas qu'il gémira alors et versera des larmes sur ceux qui brûleront éternellement avec le diable et ses satellites; car il n'y aura ni pleurs ni affliction dans cette sainte cité, qu'un torrent de délices arrose et que le Seigneur chérit plus que toutes les tentes de Jacob; dans ces tentes si on goûte quelquefois la joie de la victoire, on n'y est jamais hors de combat et sans danger de perdre la palme avec la vie; mais dans la patrie il n'y a plus de place ni pour les revers ni pour les gémissements et les larmes, comme nous le disons dans ces chants de l'Église : « C'est le séjour de ceux qui se réjouissent, et le lieu d'une inaltérable allégresse ( Psalm., LXXXVI, 7; Isaï, LXI, 7 ). » Il ne sera pas même question de la miséricorde de Dieu dans ce séjour où désormais ne doit régner que la justice; et on n'y sentira plus de compassion, puisque la miséricorde en sera bannie et que la miséricorde n'aura plus de quoi s'exercer.
Fin de cet opuscule.
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