Faire mémoire de personnalités éminentes et incontournables qui ont marqué l’Église catholique avant le Concile et qui ont contribué à l’ouvrir à la démarche œcuménique. En premier lieu, je citerai l’abbé Paul Couturier, ce prêtre du diocèse de Lyon qui, en 1936, lance la semaine de prière pour l’unité en priant pour l’unité telle que le Christ la veut et par les moyens qu’il veut.
(Conférence de Madame Pascale Watine, à Douai le 11 janvier 2012)
Né en 1881 à Lyon, Paul Couturier est ordonné prêtre de la Société des Prêtres de Saint-Irénée en 1906, juste après la séparation des Églises et de l’État. Licencié en sciences physiques, il devient professeur au collège des Chartreux, fonction qu’il assumera jusqu’en 1946.
Une retraite ignatienne au début des années vingt le conduit à un engagement auprès des réfugiés russes où il découvre l’orthodoxie.
Un séjour d’un mois au prieuré bénédictin d’Amay sur Meuse en Belgique (aujourd’hui Chevetogne) constitue la deuxième étape importante dans la découverte de sa vocation œcuménique, à la suite de laquelle il institue l’octave de prière pour l’unité.
Les premières rencontres ont lieu chez les sœurs de l’adoration réparatrice au 10 rue Henri IV à Lyon. Dans un article sur « l’universelle prière des chrétiens pour l’unité chrétienne », il jette les bases du volet spirituel de l’œcuménisme dont la théologie est développée à la même époque, c’est-à-dire dans les années trente, par le Père Congar.
En 1936, l’Abbé Couturier organise à Erlenbach en Suisse, la première rencontre spirituelle interconfessionnelle qui donnera naissance au « groupe des Dombes ».
Deux voyages en Angleterre en 1937 et 1938 complèteront son ouverture œcuménique avec la découverte de l’Anglicanisme. Il aura également des échanges avec le Frère Roger Schutz, le fondateur de Taizé.
Le 11 avril 1944, il est arrêté par la Gestapo et son ami le pasteur Roland de Pury le croit mort. Il est emprisonné au fort Montluc jusqu’au 12 juin 1944. Mis sous la surveillance de la Wehrmacht, il ne sera ni torturé, ni maltraité, et sera libéré sans connaître le motif de son arrestation.
En 1944, le texte prière et unité chrétienne qui deviendra son testament spirituel est achevé.
En 1952, un an avant sa mort, le titre d’Archimandrite du Patriarcat d’Antioche lui est attribué en signe de reconnaissance pour son engagement œcuménique.
Homme d’une grande simplicité et d’une santé fragile, vivant dans un dénuement extrême, l’Abbé Couturier n’eut jamais à sa disposition les moyens matériels qu’exigeait sa mission, mais il sut compter sur la providence, notamment pour envoyer dans le monde entier des dizaines de milliers de tracts et de brochures. « Son rayonnement dans le monde chrétien tient fondamentalement à la qualité de sa prière et à sa dimension de pauvreté » remarque le Père Michalon.
Une de ses devises était le primat de l’amour dans le labeur œcuménique. Il écrivait : « On va de l’amour à la vérité. Essayer de faire l’inverse, c’est vouloir planter un arbre à l’envers. On cueille (…) la vérité sur l’arbre de la charité ».
Il meurt à Lyon le 24 mars 1953.
Abbaye de Pradines où se réunit aujourd'hui le groupe des Dombes
Seigneur Jésus, à la veille de mourir pour nous,
Tu as prié pour que tous tes disciples soient parfaitement un,
Comme toi en ton Père et ton Père en toi
Fais-nous donc ressentir jusqu’à la douleur
L’infidélité de notre désunion
Donne-nous la loyauté de reconnaître
Et le courage de rejeter
Ce qui se cache en nous d’indifférence, de méfiance
Et même d’hostilités mutuelles
Accorde-nous de nous rencontrer en toi
Afin que monte incessamment de nos âmes et de nos lèvres
La prière pour l’unité des chrétiens
Telle que tu la veux, par les moyens que tu veux
En toi, qui es la Charité parfaite
Fais-nous trouver la voie qui conduit à l’unité
Dans l’obéissance à ton amour et à ta vérité
L’Abbé Paul Couturier écrivait en 1944 :
« Si chaque jeudi soir, commémoraison hebdomadaire du Grand Jeudi, une multitude toujours plus grande de chrétiens de toute confession formait comme un immense réseau enserrant la terre, comme un vaste monastère invisible ou tous seraient absorbés dans la prière du Christ pour l’Unité, ne serait-ce pas l’aube de l’Unité chrétienne qui se lèverait sur le monde ? »
« N’est-ce pas cette attitude d’Émulation spirituelle sincère, profonde, ardente, que le Père attend pour réaliser l’Unité visible ? »
« Ce monastère Invisible de l’Unité est constitué par l’ensemble des âmes, à qui l’esprit Saint à pu faire connaître, d’une connaissance intime, parce qu’elles ont essayé de vraiment s’ouvrir à sa flamme et par elle à sa lumière, le douloureux état des séparations entre les chrétiens, et en lesquelles cette connaissance a engendré une permanente souffrance, génératrice d’une habituelle prière et pénitence… »
« Le nom de monastère convient a cette totalité, puisque la même souffrance, les mêmes désirs, les mêmes préoccupations, la même activité spirituelle venue de toutes les nations…. »
« La clôture n’en est autre que l’inhabitation dans le Christ priant pour l’unité. Ces chrétiens se sont consacrés, sous l’attrait de l’Esprit-Saint, au grave labeur de l’Unité... »
« Mus par le même désir, la même souffrance, la même flamme et la même ardente supplication, ils vivent unis dans le Christ, cachés dans le secret de Dieu... »
« Ils ont expérimenté que Dieu unit les chrétiens dans un même amour avant de les unir dans la même foi. »
« Ai-je cette même expérience ? Suis-je prêt a me consacrer au grave labeur de l’Unité” ? Ai-je envie de m’engager dans un travail et une prière pour l’Unité des chrétiens et la Paix dans le monde? »