Nous ne pouvons pas dissocier le grand cloître de la «Providence St Bruno». Une providence est le nom des institutions de bienfaisance qui furent créées pour recueillir les enfants pauvres afin de leur donner une formation chrétienne et un métier tel qu’ils puissent gagner leur vie.
Il nous faut parler ici du père Coindre.
André Coindre était né le 26 février 1787 (St Nizier), et décédé en 1826, à l’âge de 39 ans. Fils de Vincent tailleur d’habits. A 17 ans il entre au séminaire de l’Argentière.
De 1809 à 1813 il est au séminaire St Iréné place Croix Paquet*. En 1811, André Coindre reçoit le sous-diaconat. En 1812, il reçoit l’ordination des mains du cardinal Fesch et il célèbre sa première messe à St Nizier. En 1813 il est vicaire à Bourg en Bresse. En 1815, il est nommé vicaire à St Bruno où il remplissait à la fois les fonctions de missionnaire et de vicaire.
En décembre 1815, il recueille deux petites filles sans parents, sans asile, peu de temps après son arrivée.
Le curé, Simon Gagneur, adresse le père Coindre à Claudine Thévenet une paroissienne issue d’une famille fortunée, qui indique un logement possible chez son amie Marie Chirat qui vivait avec Adèle Duperrier dans la troisième cellule sud. Quelques jours plus tard il y avait déjà sept fillettes. Ce fut la première station de la providence ainsi officieusement fondée. Ce fut le père Coindre qui subvint aux dépenses jusqu’à ce que l’association du Sacré-Cœur de Jésus (ou Pieuse Union) fondée en 1816, avec Claudine Thévenet, prenne le relais 18 mois plus tard. Elle demanda aux sœurs St Joseph, à la mère Saint-Jean de l’aide. Celle-ci délégua sœur Sainte Clotilde pour partager la vie des enfants et veiller sur elles. Marie Marquet, c’était son nom, devint cuisinière et directrice du petit atelier de couture. Elle était illettrée et domestique à la campagne. Les sept orphelines de la providence St Bruno quittent après 18 mois le local de Mme Chirat et s’installent dans une cellule voisine sur le côté droit de l’entrée latérale de l’église, cellule accrue de constructions récentes en 1817, demandées par le père Coindre à l’abbé Bochard et louée par la Pieuse Union.
En 1817, il fonde la providence des garçons. Il commence à les réunir, cinq ou six dans une cellule près de la petite porte de l’église. Il les confia à la garde d’un jeune homme, Antoine Genthon, ouvrier en soie (5 ouvriers, 2 métiers).
L’œuvre privée de Claudine Thévenet et Marie Chirat est adoptée par l’association. La providence put être réinstallée avec création d’un atelier de soierie, grâce aux souscriptions de M. de La Croix d’Azolette nouveau curé, M. Coindre et M. Lupé vicaires. Mais ce fut Melle Répond qui fit la plus grosse part des frais d’établissement de la deuxième installation de la providence. Deux sœurs St Joseph ont désormais la responsabilité de la cuisine et de l’atelier qui compte 36 fillettes « ces envoyées des cieux » comme aimait à les appeler sœur Sainte Clotilde. Mademoiselle Thévenet qui prit le nom de sœur Marie Saint-Ignace en est la supérieure et la Pieuse Union en garde la direction. Mais progressivement sœur Sainte Clotilde, qui en avait le titre légal et non moral, en fera son œuvre plus ou moins personnelle. Cette providence eut alors un caractère de plus en plus paroissial puisque les fonds vinrent de bienfaiteurs de la paroisse, des fabriciens, du fruit du travail des enfants principalement. En 1828, elle fut transportée dans une maison nouvelle, rue Maisiat, tout près du Pieux Secours, montée de la Butte.
En mai 1818, le père Coindre achète de moitié avec son père, qui décédera le 17 novembre de la même année, une petite propriété d’un hectare, qui était le onzième lot figurant sur le plan de 1791, acquis par M. Guichard cordonnier. Elle comportait une maison bourgeoise et une maison pour le fermier. Il l’agrandit pour y installer la providence en 1820**.
*Croix Paquet doit son nom à Jean Paquet bourgeois de Lyon qui fit rétablir en 1628, la croix qui avait été renversée par les calvinistes en 1562. -- ** Extraits de : Les frères du Sacré-Cœur. Père André Coindre missionnaire et fondateur 1787-1826.
André Hernoud (+),
de l'Association Église Saint-Bruno, Splendeur du Baroque
C’est la personnalité du Père André COINDRE, vicaire de la Paroisse Saint-Bruno à partir de 1815, et l’action de Claudine THEVENET qui amènent la jeune Pauline-Marie JARICOT dans l’église Saint-Bruno. Originaire des Paroisses Saint-Polycarpe et Saint-Nizier où elle s’est convertie à la pauvreté évangélique après un sermon sur la « vanité » en 1816, elle rejoint un groupe de prière à Saint-Bruno, animé par le Père COINDRE. Elle y retrouve Claudine THEVENET. Celle-ci vient de recueillir deux petites orphelines abandonnées que le Père COINDRE lui a remises dans l’hiver 1815-1816 et s’en occupe avec Marie CHIRAT ainsi qu’avec deux religieuses de Saint-Joseph. Fin juillet 1816, sept personnes fondent « la Pieuse Union du Sacré-Coeur de Jésus », association qui « adopte » l’année suivante la « Providence » installée dans la cellule de l’ancien grand cloître, prêtée par Marie CHIRAT ; parmi ces sept personnes, Pauline-Marie JARICOT. Après que la Providence à Saint-Bruno ait accueilli une trentaine d’orphelines et que celle installée aux Pierres Plantées à partir de 1818 reçoive une vingtaine de fillettes, Claudine THEVENET cherche une maison plus grande pour accueillir la communauté naissante. Pauline-Marie JARICOT propose à Claudine de racheter une propriété de son frère à Fourvière, « l’Angélique », juste en face du sanctuaire, ce qui est fait en 1820.
Si Pauline-Marie JARICOT ne se sent pas de vocation religieuse et n’intègre pas la communauté des « Dames des Sacrés-Coeurs de Jésus et Marie » fondée dans l’été 1818 autour de Claudine THEVENET, devenue Mère Saint-Ignace, elle resta toute leur vie la fidèle amie de Claudine, de vingt-cinq ans son aînée.
Les réunions des associées de « la Pieuse Union » se tiennent à l’Angélique à partir de 1820. Le Père COINDRE, qui a lui-même créé une Providence pour garçons en 1818 et fondé en 1821 les « Frères des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie » pour s’en occuper, quitte le diocèse en 1822. Dès lors, Pauline-Marie JARICOT s’éloigne géographiquement de Saint-Bruno.
Observons toutefois que l’exemple de la « Pieuse Union » inspira indubitablement Pauline JARICOT lorsqu’elle fonda, en 1820, une association, les « Réparatrices du Coeur de Jésus, méconnu et humilié » qui « adopta » l’association de prières pour la Propagation de la Foi créée en 1817 par les Missions Etrangères de Paris. C’est le point de départ de l’organisation qu’elle met ensuite en place, à partir du « sou [hebdomadaire] des missions » versé chaque semaine dans le cadre d’une « dizaine »[de personnes] ; à l’origine de l’Oeuvre pour la Propagation de la Foi ( 1822 ). Observons aussi que la pratique du rosaire, que Pauline-Marie JARICOT initie à Saint-Bruno, puis développe dans le cadre de l’église Saint-Pierre, déboucha en 1826 sur l’organisation originale du Rosaire vivant qui associe 15 personnes s’engageant à réciter chaque jour une dizaine de chapelet en méditant sur un des quinze mystères du rosaire qui lui est échu par tirage au sort pour le mois.
L’action de la jeune fille a une portée inattendue. L’Oeuvre pour la Propagation de la Foi finança quantité de missions étrangères sur tous les continents et le Rosaire vivant comptait un million d’associées en France dès 1834. Dans toutes ses actions, Pauline-Marie JARICOT manifeste un sens de l’organisation qui prend appui sur ce que nous appellerions aujourd’hui le travail d’équipe, au sujet duquel elle a une beaucoup plus belle formule : « Quinze charbons, un seul est allumé, trois ou quatre le sont à demi, les autres pas. Rapprochez-les, c’est un brasier. Qu’elle est belle cette charité qui fait d’une multitude de personnes de tous âges, de toutes conditions, une seule famille ».
Marie-Claude Dumont,
présidente de l'Association Église Saint-Bruno, Splendeur du Baroque