Le père Matteo, notre curé.

Horaires du 2 au 8 novembre.
Horaires du 19 octobre au premier novembre.
Conférence pour la défense de la Vie
Monseigneur Rey.














En quelle manière les morts ressusciteront-ils.
Saint Chrysostôme sur la première lettre aux Corinthiens.
Mais, dira-t-on : en quelle manière les morts ressusciteront-ils, et quel sera le corps dans lequel ils reviendront ? — insensé que vous êtes, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne reprend point vie, s'il ne meurt auparavant ? ( Chap. XV, vers. 35, 36. )
Analyse. 586
1. Sur la manière dout les morts doivent ressusciter. — Comparaisons prises du grain de froment qui se décompose pour produire la tige et l'épi. — Le corps qui ressuscite est à la fois le même et plus beau. — 2 et 3. Des différents degrés, soit parmi les justes dans la gloire, soit parmi les réprouvés dans le châtiment. — Sur le corps animal et le corps spirituel. — 4 et 5. Il ne faut pas pleurer les morts avec une tristesse exagérée. — Il faut leur venir en aide par la prière et par les bonnes œuvres. — De la sécurité des morts dans le sein de Dieu.
586-587.
1. Malgré la douceur, l'humilité que montre partout l'apôtre, ici, ses paroles ont une aspérité que justifie l'absurdité de ses contradicteurs. Il ne se contente pas toutefois de les rudoyer, il emploie des raisonnements, des comparaisons capables de réduire les disputeurs les plus acharnés. Il dit plus haut : « Ainsi parce que la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme que doit venir la résurrection ». Ici, il résout l'objection des païens. Voyez encore comme il adoucit la dureté de la réprimande. Il ne dit pas, mais vous direz peut-être, il s'adresse à un contradicteur qu'il ne définit pas, de manière que la liberté de son discours ne puisse pas blesser les auditeurs. Maintenant il énonce les deux motifs de doute, le doute relatif au mode de la résurrection, le doute relatif à la qualité des corps. C'étaient là, en effet, les deux points qui troublaient les esprits : comment ressuscite ce qui a été décomposé ? et, « quel sera le corps dans lequel reviendront » les morts ? Que signifie, « quel sera le corps ? » Sera-ce le corps qui se sera corrompu, qui aura péri, ou un autre corps quelconque ? Ensuite l'apôtre, pour leur montrer que leurs doutes s'attaquent à des vérités incontestables, reconnues de tous, les refoule d'un ton véhément : « Insensé que vous êtes, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne reprend point vie, s'il ne meurt auparavant ? » C'est la méthode que l'on suit avec ceux qui contredisent des vérités reconnues. Pourquoi n'invoque-t-il pas tout de suite la puissance de Dieu ? C'est qu'il s'adresse à des infidèles. En effet, lorsque c'est aux fidèles qu'il parle, il fait bon marché des raisonnements. Voilà pourquoi il dit ailleurs : « Il transfigurera votre corps, tout vil qu'il est, afin de le rendre conforme à son corps glorieux » ( Philip. 3, 21 ), il montre quelque chose de plus que la résurrection, il n'apporte aucun exemple ; pour toute démonstration, le pouvoir de Dieu lui suffit, et il le rappelle en disant : « Par cette vertu efficace, par laquelle il peut s'assujétir toutes choses ». Mais ici, il produit des raisonnements. Car après avoir confirmé la vérité par les textes de l'Écriture, il ajoute, de l'abondance de son cœur, contre ceux qui ne sont pas encore persuadés par l'Écriture : « Insensé que vous êtes, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ». C'est-à-dire ; vous avez sous vos yeux la démonstration de cette vérité, vous la trouvez dans ce que vous faites chaque jour et vous doutez encore ? Si je vous appelle insensé, c'est parce que vous ne voyez pas ce que vous faites vous-même chaque jour, c'est parce que vous êtes vous-même un artisan de résurrection et que vous doutez de la résurrection opérée par Dieu. Voilà pourquoi l'apôtre dit avec éloquence : « Ne voyez-vous pas que ce que vous semez », vous qui êtes mortel et périssable. Et remarquez l'appropriation de ses expressions au sujet qu'il traite. « Ne reprend point vie », dit-il, « s'il ne meurt auparavant ». L'apôtre abandonne les expressions qui ont trait aux semences, germe, pousse, se gâte, se décompose, il emploie des termes en rapport avec notre chair, ainsi, reprend vie », ainsi « meurt », manières de parler qui ne s'appliquent pas proprement aux semences, mais aux corps. Et il ne dit pas, meurt et vit ensuite, mais, ce qui est plus expressif, ne vit qu'à la condition de mourir. Vous voyez si j'ai raison de vous répéter qu'il prend toujours l'inverse du raisonnement de ses contradicteurs. Ce qu'ils regardaient comme une réfutation de la résurrection, il le prend pour démonstration de cette même résurrection ; ils disaient en effet que le corps ne pouvait pas ressusciter, puisqu'il était mort. Que leur oppose-t-il donc ? C'est que précisément s'il ne mourait pas, il ne ressusciterait pas ; ce qui fait qu'il ressuscite, c'est qu'il est mort. De même que le Christ, pour démontrer cette vérité, prononce ces paroles : « Si le grain de froment ne meurt après qu'on l'a jeté en « terre, il demeure seul ; mais, quand il est mort, il porte beaucoup de fruit » ( Jean 12, 24 ), de même Paul emprunte son exemple aux semences, et il ne dit pas : Ne vit pas, mais « ne reprend vie » ; cette expression prouve encore le pouvoir de Dieu, elle montre que ce n'est pas la force propre de la terre, que c'est Dieu seul qui fait tout. Et pourquoi ne montre-t-il pas ce qui tenait plus étroitement au sujet, je veux dire la semence humaine ? En effet notre génération commence par la corruption, comme celle du froment. C'est que les deux semences n'ont pas pour le raisonnement, une force égale, celle du froment est bien plus éloquente. Ce que veut l'apôtre, c'est quelque chose qui soit entièrement détruit, il n'y a dans la génération humaine de corruption qu'en partie. Voilà pourquoi c'est la semence du froment qui sert d'exemple. D'ailleurs l'autre, sortie d'un vivant, tombe dans un ventre vivant ; mais ici ce n'est pas dans de la chair, mais dans de la terre que la semence tombe, et elle s'y décompose comme le corps, comme le cadavre. Voilà ce qui fait que l'image prise du grain de froment convenait mieux au sujet. « Et quand vous semez, vous ne semez pas le corps qui doit naître ( 37 ) ». Tout ce qui précède, concerne le mode de la résurrection ; cette dernière observation répond au doute sur les corps dans lesquels les morts doivent revenir. Or que signifie : « vous ne semez pas le corps qui doit naître ? » L'épi entier, le froment nouveau. Ici en effet, le discours ne se rapporte plus à la résurrection même, mais au mode de la résurrection, à la nature du corps qui ressuscitera, à savoir : s'il ressemblera au corps précédent, ou s'il sera meilleur et plus beau ; et le même exemple sert à deux fins, l'exemple prouve que le corps ressuscité sera de beaucoup supérieur.
587-588.
Mais ici les hérétiques, ne comprenant rien à ces choses, font un assaut et disent : C'est un corps qui tombe, c'en est un autre qui ressuscite. Que devient alors la résurrection ? Car la résurrection ne peut être que la résurrection de ce qui est tombé. Que devient la merveilleuse, l'étonnante victoire remportée sur la mort, si le corps qui tombe n'est pas le même qui ressuscite ? Dans ce cas, on ne pourra certes pas dire que la mort a rendu son prisonnier. Et maintenant, comment l'exemple donné serait-il approprié à la vérité ? Car l'essence que l'on sème n'est pas autre que celle qui reparaît, c'est la même essence devenue meilleure. Autre conséquence : le Christ n'aura pas repris le même corps, lui, les prémices de ceux qui ressuscitent ; à vous entendre, il a rejeté son corps, quoiqu'il fût exempt de tout péché, et c'est un autre corps qu'il a pris. Et d'où l'a-t-il tiré, ce second corps ? Le premier, il l'a pris d'une vierge, mais le second, d'où le tenait-il ? Voyez-vous à quelles absurdités est arrivée la démonstration ? Car enfin, pourquoi le Christ montre-t-il les traces et les empreintes des clous, sinon pour faire voir que c'est le même corps qui a été attaché à la croix, et qui est ressuscité ? Que signifie la figure de Jonas ? Que le Jonas qui a été englouti est le même qui a été rejeté sur la terre. Et pourquoi le Christ disait-il encore : « Détruisez ce temple, et je le rétablirai en trois jours ? » ( Jean 2, 19, 21. ) C'est que le corps détruit est le corps qu'il a ressuscité. Aussi l'évangéliste ajoute-t-il : « Mais il parlait du temple de son corps ». Que signifie donc : « Vous ne semez pas le corps qui doit naître ? » C'est-à-dire, vous ne semez pas l'épi ; en effet, c'est le même et ce n'est pas le même ; c'est le même parce que c'est la même essence, et ce n'est pas le même parce que l'épi qui viendra est meilleur ; la même essence persiste, mais il y a développement, il y a supériorité de beauté, fraîcheur de nouveauté ; c'est la condition indispensable pour qu'il y ait résurrection, il faut que ce qui ressuscitera soit meilleur. Pourquoi détruire la maison, si l'on ne doit pas la relever plus brillante et plus belle ? Voilà ce que dit l'apôtre à ceux qui regardent la résurrection comme une dissolution. Ensuite, pour prévenir la pensée qu'il suit de là qu'on entend parler d'un corps différent, il éclaircit cette énigme, il explique lui-même le sens de ses paroles, il ne souffre pas que l'auditeur flotte dans des conclusions qui l'égareraient. Qu'avons-nous besoin de mêler nos paroles aux siennes ? Écoutez-le lui-même, entendez-le s'expliquer : « Vous ne semez pas le corps qui doit naître » ; car aussitôt il ajoute : « mais la graine seulement, comme du blé, ou de quelque autre chose ». Ce qui veut dire : Ce n'est pas le corps qui viendra, car il aura un autre vêtement, une tige, des épis ; « mais la graine seulement, comme du blé, ou de quelque autre chose. Et Dieu lui donne un corps tel qu'il lui plaît ( 38 ) ». Sans doute, objecte-t-on, mais c'est ici l'œuvre de la nature. De quelle nature, répondez-moi ? Je vous dis qu'ici encore c'est Dieu seul qui fait tout, et non la nature, ni la terre, ni la pluie. Aussi l'apôtre, exprimant cette vérité, laisse-t-il de côté et la terre, et l'air, et la pluie, et la main-d'œuvre des agriculteurs : « Et Dieu », dit-il aussitôt, « lui donne un corps tel qu'il lui plaît ». Cessez donc de prendre un soin superflu et de vous enquérir curieusement du comment et de la manière dont les choses se passent, lorsqu'on vous a signifié la puissance de Dieu et sa volonté. « Et il donne à chaque semence le corps propre à chaque plante ». Que devient l'idée d'un corps étranger ? Il lui donne le corps propre. Aussi lorsque l'apôtre dit : « Vous ne semez pas le corps qui doit naître », il n'entend pas que ce sera une autre essence qui paraîtra, mais que la même essence ressuscitera, meilleure et plus brillante. « Car il donne à chaque semence le corps propre à chaque plante ». Et par là, il indique déjà la différence que présentera la résurrection à venir. En effet, n'allez pas conclure de cette semence dont tous les germes se relèvent, qu'il y aura dans la résurrection égalité d'honneur. Gardez-vous surtout de le croire quand vous voyez que les semences des champs ne présentent pas dans leurs productions cette égalité, mais que telles plantes grandissent et se développent avec éclat, tandis que telles autres paraissent chétives. Voilà pourquoi l'apôtre ajoute : « le corps propre à chaque plante ». Toutefois cette différence ne lui suffit pas, il en cherche encore une autre plus considérable et plus manifeste. Car pour prévenir cette erreur que j'ai mentionnée, qui conclurait, de ce que tous ressuscitent, que tous doivent jouir des mêmes biens, l'apôtre s'est empressé de jeter dans ses premières paroles les semences de la pensée qui est la seule vraie, il a dit tout d'abord : Tous vivront en Jésus-Christ, « et chacun en son rang ». C'est la pensée qu'il reprend ici, qu'il explique : « Toute chair n'est pas la même chair ( 39 ) ». À quoi bon, dit-il, insister sur les semences ? Nous n'avons qu'à considérer nos corps mêmes, puisque c'est des corps que nous nous occupons maintenant. Voilà pourquoi il ajoute : « Mais autre est la chair des hommes, autre la chair des bêtes, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons. Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres, mais les corps célestes ont un autre éclat que les corps terrestres. Le soleil a son éclat, qui diffère de l'éclat de la lune, comme l'éclat de la lune diffère de l'éclat des étoiles, et comme, entre les étoiles, a l'une est plus éclatante que l'autre ( 40, 41 ) ».
588-590.
Et que signifient ces paroles ? Pourquoi cette digression qui va, qui tombe de la résurrection, sur les astres et sur le soleil ? Il ne tombe pas, il n'y a pas de digression, gardons-nous de le croire, il ne rompt pas avec son sujet ; au contraire, il s'y tient. Après avoir prouvé ce qui a été dit de la résurrection, il montre la grande différence que fera paraître la gloire future, quoique la résurrection soit unique et commune ; en attendant, il fait deux parts de l'univers, les choses du ciel, les choses de la terre. La résurrection des corps, il l'a montrée par l'exemple du froment ; quant à l'inégalité dans la gloire, il la démontre par ses dernières paroles. Car, de même que l'incrédulité, au sujet de la résurrection, produit l'indolence, de même on tombe dans la langueur et le relâchement d'esprit lorsqu'on s'imagine que tous obtiennent le même partage. Aussi l'apôtre corrige-t-il ces deux erreurs ; il a commencé par dissiper la première ; il s'occupe maintenant d'en finir avec la seconde : après avoir établi deux classes, celle des justes et celle des pécheurs, il les subdivise encore, et il montre que ni les justes d'un côté, ni les pécheurs d'un autre, ne recevront le même traitement, qu'il n'y aura ni égalité pour tous les justes, ni égalité pour tous les pécheurs. Voilà donc la première séparation qu'il établit, celle des justes et celle des pécheurs, en disant : « Des corps célestes et des corps terrestres », car les corps terrestres sont comme l'image des pécheurs, et les corps célestes, celle des justes. Ensuite il fait entendre la différence de pécheurs à pécheurs : « Toute chair n'est pas la même chair ; mais autre est la chair des poissons, autre, la chair des oiseaux et des animaux différents ». Il n'y a là que des corps, mais les uns plus, les autres moins méprisables. Il en est de même de la vie, même différence dans la même constitution ; après ces paroles, il reprend de nouveau son essor au ciel : « Le soleil a son éclat, qui diffère de l'éclat de la lune. » Comme il y a différence entre les corps terrestres ; de même, entre les corps célestes, il y a aussi différence, et ce n'est pas une différence accidentelle, mais il y a diversité de degrés poussée à l'extrême. Car il n'y a pas seulement la différence du soleil et de la lune, ni de la lune et des étoiles, mais, d'étoiles à étoile ?, il y a encore différence. Si tous ces astres sont dans le ciel, ils n'y sont pas tous également glorieux, mais, les uns plus, les autres, moins. Que nous apprennent donc ces images ? Que si tous sont admis au royaume des cieux, tous n'y jouiront pas des mêmes biens ; que si tous les pécheurs sont dans la géhenne, tous n'y subiront pas le même traitement. Voilà pourquoi l'apôtre ajoute : « Il en arrivera de même dans la résurrection des morts ( 42 ) ». De « même », comment cela ? parce qu'il y aura une grande différence. Ensuite, laissant ce point, comme prouvé, il reprend encore la démonstration relative au mode de la résurrection, il dit : « Le corps est semé dans la corruption, et il renaît incorruptible ». Voyez la sagesse du docteur ; quand il parlait des semences, il prenait des expressions appropriées aux corps : « Ne reprend point vie », disait-il, « s'il ne meurt auparavant » ; voici qu'en parlant des corps, il prend les termes appropriés aux semences, il dit : « Le corps est semé dans la corruption, et il renaît incorruptible ». Il ne dit pas, le corps pousse, parce qu'il ne veut pas qu'on y voie le travail de la terre, mais « il renaît ». Quant à la semence, l'apôtre n'entend pas ici notre génération dans la matrice, mais l'enterrement des morts, la décomposition, la cendre des tombeaux. Aussi, après avoir dit : « Le corps est semé dans la corruption, et il renaît incorruptible », l'apôtre ajoute : « Il est semé dans la honte ( 43 ) ». Car quoi de plus hideux qu'un cadavre en décomposition ? « Il renaît dans la gloire. Il est semé dans la faiblesse ». Car il ne faut pas trente jours, pour qu'il n'en reste plus rien ; la chair ne peut pas se conserver, elle ne peut pas seulement durer un jour. « Il renaît dans la force ». Car alors il ne lui restera plus rien de corruptible. L'apôtre avait besoin de ces exemples pour que les auditeurs n'allassent pas s'imaginer que tous renaissant dans l'incorruptibilité, dans la gloire, dans la force, il n'y avait aucune différence entre les ressuscités. Car si tous ressuscitent, et dans la force, et dans l'incorruptibilité, et dans cette gloire de l'incorruptibilité, tous pourtant ne possèdent pas le même honneur, la même inébranlable félicité. « Il est semé comme un corps animal, il renaît corps spirituel. « Comme il y a un corps animal, il y a aussi « un corps spirituel ( 44 ) ». Que dites-vous ? le corps que nous avons présentement, n'est-il pas un corps spirituel ? Spirituel, sans doute, mais l'autre le sera beaucoup plus. Car maintenant, trop souvent, l'abondance des grâces du Saint-Esprit se perd par de graves péchés ; quoique le souffle de l'âme persiste encore, la vie de la chair n'y est plus ; une fois la grâce éteinte, le corps n'est plus rien ; mais alors il n'en sera plus de même ; sans s'éteindre jamais, elle subsiste dans la chair des justes, et sa puissance restera unie au souffle de l'âme. Ou c'est là ce que l'apôtre a voulu faire entendre en disant « spirituel », ou il a voulu dire que le corps sera plus léger, plus subtil, capable d'être porté par l'air, ou plutôt il a prétendu indiquer le tout à la fois. Si vous n'en croyez rien, voyez les corps célestes si brillants, si persistants, qui ne vieillissent pas, et croyez donc que Dieu a bien aussi le pouvoir de faire, de nos corps soumis à la corruption, des corps incorruptibles, de beaucoup supérieurs à ceux que nous voyons. « Selon qu'il est écrit : le premier homme, Adam, a été « créé avec une âme vivante, et le second Adam a été rempli d'un esprit vivifiant ( 45 ) ». Le commencement de cette citation se trouve bien dans l'Écriture ( Gen. 2, 7 ), mais la suite n'y est pas ; comment donc l'apôtre a-t-il pu dire, « selon qu'il est écrit ? » Il se fonde sur ce qui est arrivé, c'est son habitude. C'est le style ordinaire des prophètes. Ainsi un prophète a dit que Jérusalem sera appelée la ville de la justice, et elle n'a pas été appelée de ce nom ( Zach. 8, 3 ). Eh quoi ? le prophète a donc parlé à faux ? nullement : il a voulu dire que les événements lui mériteraient ce nom. Un autre a dit encore que le Christ serait appelé Emmanuel ( Is. 7, 14 ), et le Christ n'a pas eu ce nom, mais les événements accomplis le lui donnent assez. De même, pour ces paroles, « et le second Adam a été rempli d'un esprit vivifiant ».
Ces paroles sont pour vous faire comprendre que vous avez déjà reçu les symboles et les gages de la vie présente et de la vie à venir ; de la vie présente, par Adam ; de la vie à venir, par le Christ. Comme les biens les plus précieux ne peuvent être proposés que comme des espérances, l'apôtre tient à montrer que le commencement est déjà réalisé, il fait voir la racine et la source. Que si la racine et la source sont visibles pour tous, il n'est pas permis de révoquer les fruits en doute. De là ces paroles : « Et le second Adam a été rempli d'un esprit vivifiant ». Ailleurs encore il dit : « Vivifiera vos corps mortels par son esprit qui habite en vous » ( Rom. 8, 14 ). C'est donc l'esprit qui vivifie. Maintenant on aurait pu dire, pourquoi dès les premiers jours a-t-on réalisé ce qui est le moins précieux, pourquoi ce qui concerne l'âme vivante a-t-il reçu un accomplissement plein et entier qui ne s'est pas arrêté aux prémices, pourquoi, en ce qui concerne l'esprit vivifiant, n'a-t-on reçu que les prémices ; l'apôtre montre que des deux côtés, les principes sont établis. « Mais ce n'est pas le corps spirituel qui a été formé le premier, c'est le corps animal, et ensuite le spirituel ( 46 ) ». L'apôtre ne dit pas pourquoi ; il se contente de l'ordre établi par Dieu ; le suffrage des événements lui garantit l'excellence de l'administration des choses par Dieu ; il montre que tout ce qui nous concerne s'avance toujours vers un état meilleur, et il assure par là l'autorité de ses paroles. Si le moindre est arrivé, à bien plus forte raison faut-il attendre ce qui est supérieur.
590-591.
Donc, puisque nous devons jouir de ces biens si précieux, prenons notre place dans ce bel ordre, et ne versons pas de pleurs sur ceux qui s'en vont, pleurons ceux qui finissent mal. L'agriculteur ne pousse pas de gémissements à la vue du grain qui se corrompt, c'est quand il le voit conserver dans la terre sa solidité, qu'il a peur et qu'il tremble ; mais, du moment que les semences se décomposent, l'agriculteur se réjouit. Car c'est le commencement de la semence à venir, cette décomposition. Faisons de même, sachons nous réjouir quand tombe la maison ainsi décomposée, quand un homme est ensemencé. Ne vous étonnez pas qu'il donne le nom d'ensemencement à la sépulture ; car la sépulture vaut mieux encore que l'ensemencement. Après les semences des champs, viennent les morts, les labeurs pénibles, les dangers, les soucis ; après la sépulture, si nous avons bien vécu, les couronnes et les prix glorieux ; après les semences de la terre, la corruption et la mort ; après la sépulture, l'incorruptibilité, l'immortalité, et des biens en foule ; dans un de ces ensemencements, ce qui se rencontre, ce sont les embrassements, les plaisirs, le sommeil ; dans le dernier de tous les ensemencements, rien, plus rien qu'une voix descendant des hauteurs du ciel, et soudain toutes choses ont leur accomplissement. Celui qui ressuscite, n'est plus ramené aux fatigues d'une vie d'épreuves, il entre dans cette vie qui ne connaît ni la douleur, ni le deuil, ni les gémissements. Si, dans l'homme que vous pleurez, ce qui provoque vos regrets, c'est l'appui, c'est le guide, le protecteur, perdu, cherchez votre refuge dans le protecteur, dans le sauveur commun, dans le bienfaiteur de tous les hommes, en Dieu, cet invincible compagnon d'armes, cet auxiliaire toujours prêt, toujours présent, qui nous entoure, qui nous défend de toutes parts. Mais les longues liaisons forment des nœuds si aimables et méritent tant nos regrets ! Je le sais bien ; mais si vous soumettez à la raison les mouvements de votre âme, si votre raison se représente, ô femmes, celui qui vous a repris un époux, si vous faites tous à Dieu, dans vos afflictions, un généreux sacrifice de vos pensées, voilà qui apaisera les orages de vos cœurs, et vous ne laisserez pas à faire au temps l'œuvre de la sagesse ; mais si vous vous laissez amollir, le temps adoucira vos douleurs, mais vous ne remporterez aucune récompense. Outre ces réflexions, rassemblez les exemples que vous donne la vie présente, les exemples des divines Écritures ; méditez Abraham égorgeant son fils, et cela sans verser de larmes, sans faire entendre d'amères paroles. Mais, dira-t-on, c'était Abraham ( Gen. 20 ). Mais vous, vous êtes appelé à des vertus plus hautes. Quand à Job, il ressentit de la douleur, mais dans la mesure qui convenait à un bon père, plein de tendresse pour ceux qui n'étaient plus là. Pour nous, la conduite que nous tenons, convient à des ennemis privés, à des ennemis publics. Si, à la nouvelle qu'un homme est élevé à la royauté, couronné, vous alliez vous frapper la poitrine et gémir, je ne dirais pas de vous que vous êtes l'ami de celui qui a reçu la couronne ; je dirais que vous n'avez que haine pour lui, que vous êtes son ennemi déclaré. Mais ce n'est pas sur lui que je pleure, répond l'affligé, c'est sur moi-même. Mais ce n'est pas une preuve d'affection que de vouloir que celui qui vous est cher, soit encore, à cause de vous, exposé aux périls du combat, et dans l'incertitude de l'avenir, quand il va recevoir la couronne et toucher le port ; de vouloir le voir encore à la merci des flots, quand il peut, échappé à la mer, se trouver pour toujours à l'abri. Mais je ne sais pas, dira-t-on, où il s'en est allé. Pourquoi ne le savez-vous pas ? Répondez-moi. Car, soit qu'il ait bien vécu, soit dans le cas contraire, on sait parfaitement où il doit se rendre. C'est justement ce qui me fait gémir, réplique-t-on : il est mort en état de péché. Vain prétexte et mauvaise raison. Si c'est là ce qui vous fait gémir sur celui qui n'est plus, il fallait, pendant sa vie, le réformer, le corriger. En tout cas, vous ne voyez jamais que ce qui vous intéresse, vous, et non pas ce qui le regarde, lui. S'il est parti en état de péché, pour cette raison même, vous devez vous réjouir ; ses péchés sont interrompus ; il n'a pas pu ajouter depuis à la somme de ses actions mauvaises ; soyez-lui en aide, autant que possible ; au lieu de pleurer sur lui, répandez les prières, les supplications, les aumônes, les offrandes. Ce ne sont par là de chimériques inventions ; ce n'est pas inutilement que nous faisons, dans les divins mystères, mention de ceux qui sont partis ; que nous nous approchons du sanctuaire, à leur intention ; que nous prions l'Agneau qui a enlevé le péché du monde, mais nous espérons qu'il leur en reviendra quelque adoucissement ; ce n'est pas en vain que l'assistant à l'autel, pendant que les redoutables mystères s'accomplissent, s'écrie : Pour tous ceux qui se sont endormis dans le Christ, et pour ceux qui célèbrent leur commémoration. On ne prononcerait pas ces paroles, si l'on ne faisait pas la commémoration de ceux qui ne sont plus. Nos cérémonies ne sont pas des jeux de théâtre ; loin de nous ces pensées ; nos cérémonies c'est l'Esprit-Saint qui les a ordonnées.
591-592.
Sachons donc leur porter secours, et célébrons leur commémoration. Si les fils de Job ont été purifiés par le sacrifice de leur père, pouvez-vous douter que nos offrandes pour ceux qui ne sont plus, leur apportent quelque consolation ? C'est la coutume de Dieu de faire fructifier pour les autres les grâces que d'autres ont méritées. Et c'est ce que Paul faisait voir par ces paroles : « Afin que beaucoup de personnes, manifestant en elles la grâce que nous avons reçue, donnent à beaucoup de personnes l'occasion de bénir Dieu pour vous » ( 2 Cor. 2, 11 ). Empressons-nous de porter notre secours à ceux qui ne sont plus, et d'offrir pour eux des prières : car le but commun de la terre entière c'est l'expiation. Prions donc avec confiance pour la terre entière, et avec les martyrs nous appelons tous les membres de l'Église, avec les confesseurs, avec les ministres sacrés. Car nous ne sommes qu'un seul et même corps tous tant que nous sommes, quoiqu'il y ait des membres plus glorieux que d'autres membres, et il n'y a rien d'impossible à ce qu'en nous adressant à toutes les âmes nous assurions à ceux qui ne sont plus leur pardon, par les prières, par les dons qui sont offerts pour eux, par l'assistance même de ceux que l'on invoque avec eux. D'où viennent donc vos gémissements, vos plaintes, quand il est possible de rassembler de si grandes forces pour obtenir le pardon de celui qui n'est plus ? Mais vous pleurez, ô femme, parce que vous êtes abandonnée, vous avez perdu votre protecteur ? Non, jamais, ne prononcez jamais ces paroles ; vous n'avez pas perdu Dieu. Tant que vous l'avez, voilà qui vous vaut mieux qu'un mari, et père, et fils, et beau-père ; quand ces êtres chéris étaient vivants, Dieu n'en était pas moins celui qui faisait toutes choses. Méditez donc ces pensées, et dites avec David : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je » ( Ps. 26, 1 ) ? Dites : vous êtes le père des orphelins, et le juge des veuves, et attirez sur vous son secours, et vous verrez qu'il prendra encore plus de soin de vous qu'auparavant, un soin d'autant plus vigilant que vous serez dans une plus grande détresse. Mais vous avez perdu un fils ? Vous ne l'avez pas perdu, ne prononcez pas ces paroles : ce que vous voyez, c'est un sommeil, non une mort ; c'est un voyage, non une destruction ; c'est un passage d'un état inférieur à une meilleure condition. N'irritez pas Dieu, mais rendez-le propice. Si vous supportez le coup avec une force généreuse, il en résultera, pour celui qui n'est plus, et pour vous, une douce consolation ; si vous faites le contraire, vous irritez la colère de Dieu. Car si à la vue d'un esclave battu de verges par son maître, vous montrez votre mécontentement, vous ne faites qu'exciter contre vous le mécontentement du maître. N'agissez pas ainsi, mais rendez grâces à Dieu, afin que cette conduite dissipe le nuage de votre affliction : dites comme ce bienheureux : « Le Seigneur m'a donné, le Seigneur m'a enlevé » ; considérez combien de personnes plus que vous agréables à Dieu, n'ont jamais eu de fils, combien d'hommes n'ont jamais porté le nom de pères. Ni moi non plus, répondra-t-on, je ne voudrais pas avoir eu de fils ; il aurait bien mieux valu pour moi ne pas faire cette expérience, que de goûter un pareil plaisir, et de le perdre après. Non, je vous en prie, ne prononcez pas de telles paroles, ne provoquez pas ainsi la colère du Seigneur ; faites mieux, rendez grâces à Dieu des biens que vous avez reçus ; pour ceux que vous ne gardez pas toujours, glorifiez le Seigneur. Job ne dit pas : il eût mieux valu pour moi n'avoir rien reçu ; ce que dit votre ingratitude, mais Job même pour les biens enlevés rendait grâces au Seigneur ; il disait : « Le Seigneur m'a donné », pour les biens perdus, il le bénissait en disant : « Le Seigneur m'a enlevé : que le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles ». Il fermait la bouche à sa femme, par des raisonnements d'une sagesse merveilleuse, et il faisait entendre ces paroles admirables : « Si nous a avons reçu des biens du Seigneur, n'en supporterons-nous pas aussi des maux ? » Or l'épreuve qu'il eut à subir ensuite fut encore plus terrible ; elle ne le brisa pas, il tint bon, il supporta tout avec courage, il se mit à glorifier Dieu. Faites de même, réfléchissez, vous aussi, en vous-même : ce n'est pas un homme qui vous a pris celui que vous pleurez ; c'est Dieu qui a tout fait, Dieu qui a de vous plus de souci que personne, Dieu qui comprend le mieux l'intérêt de tous, ce n'est pas un ennemi, un méchant qui vous a frappé. Voyez combien d'enfants n'ont vécu que pour rendre la vie impossible à leurs parents. Mais vous ne voulez pas voir, me dira-t-on, les enfants d'un noble cœur. Je les vois, eux aussi, mais je dis qu'ils sont moins en sûreté que votre fils. Quelque bonne estime qu'on en fasse, leur fin n'en est pas moins incertaine ; pour votre enfant, au contraire, vous n'avez plus à trembler, nous n'avez plus rien à craindre, à redouter pour lui quelque changement que ce soit. Appliquez ces pensées à une épouse qui avait la beauté en partage, qui était une bonne gardienne de votre maison, et pour toutes choses bénissez Dieu ; vous avez perdu votre épouse, bénissez le Seigneur. Peut-être Dieu veut-il vous amener à la continence, à des œuvres plus hautes, rompre vos liens. Si nous nous livrons à ces pensées de la sagesse, nous conquerrons, pour la vie présente, la tranquillité de l'âme, et, pour la vie à venir, les couronnes, etc.
Traduit par M. Portelette.
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Saint Grégoire VII, moine et pape. Semaine I, chapitre I.
Comte de Montalembert.
p. 337
Abus et scandales dans l'Église. — Tyrannie laïque. — Intervention réparatrice des moines. — La suprématie spirituelle du saint-siège reste intacte. — Le concile de Sutri. — Déposition de trois papes rivaux. — Triple fléau : la simonie, l'incontinence des prêtres, les envahissements du pouvoir séculier. — Le moine Ariald, martyr du célibat ecclésiastique. — Philippe de France protège les simoniaques. — En Allemagne le mal est plus répandu qu'en France. — Avènement de Henri IV. — Vente effrontée des évêchés, abbayes, etc. — L'Église tout entière est souillée. — Les moines évêques ne sont plus qu'une exception. — Moqueries des simoniaques contre les moines. — Ceux-ci appelés à sauver l'Église.
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Pendant que l'Ordre Monastique brillait d'un si pur éclat, l'Église, arrivée au onzième siècle de son institution, subissait la plus grande épreuve qu'elle eût encore connue.
pp. 337-338
Le saint-siège, l'épiscopat, le clergé séculier tout entier ployaient sous le faix d'abus invétérés et de scandales odieux. Habile à tirer parti d'une telle corruption intérieure, assurée de l'appui des nombreux complices que lui fournissaient un épiscopat avili et un clergé dépravé, la tyrannie laïque put étendre une main victorieuse sur l'épouse de Jésus-Christ, et tenter de l'enchaîner pour toujours aux pieds du trône de la puissance humaine. Mais Dieu lui réservait une armée libératrice et vengeresse : l'Ordre de Saint-Benoît, plus fort et plus fécond au onzième siècle qu'il ne l'avait jamais été, a bien pu se laisser entamer par la corruption générale, mais il n'y succombera point. Il conduira à la justice et à la miséricorde divine d'innombrables champions. C'est de là que sortiront le salut de l'Église et celui de la liberté sous une série de saints pontifes presque tous issus de la famille bénédictine et que dominera, par la gloire comme par le génie, Hildebrand, le plus grand des moines et le plus grand des papes.
Il importe de constater le mal, afin de mieux apprécier le remède. Mesurons donc, autant qu'il nous sera loisible, l'abîme où s'enfonçait l'Église lorsque Hildebrand fut envoyé de Dieu pour la sauver, et commençons par la papauté.
Ici le mal remontait très haut. Le Saint-Siège ne semblait avoir échappé aux souillures que lui infligèrent au dixième siècle certains pontifes indignes que pour s'affaisser sous la domination de la puissance temporelle : c'était changer de honte et de danger.
p. 339-341
Otton le Grand, en allant au secours de la papauté sans cesse compromise par les passions des Italiens, s'était trouvé entraîné, par les fautes mêmes des papes, à prendre à leur égard une sorte d'attitude protectrice et supérieure, complètement différente de celle de Charlemagne et de ses successeurs [339-1]. Cette attitude était d'autant plus mal fondée que, comme tous les princes français, italiens et allemands pourvus de la dignité impériale depuis la mort du grand empereur [339-2], Otton ne devait ce titre qu'à la papauté. Il avait présidé à la déposition de deux papes, Jean XII et Benoît V, l'un profondément indigne, l'autre pur, exemplaire, mais tous deux légitimement élus et canoniquement inviolables [339-3] ; il avait dicté le choix de Léon VIII, de Jean XIII, de Benoît VI, qui durent naturellement se regarder comme ses créatures, surtout en présence des révoltes toujours renaissantes des Romains. Cependant, par une providence toute spéciale, aucun affaiblissement de la toute-puissance spirituelle des papes ne se manifesta durant cette époque d'abaissement morale [340-1]. On a des preuves innombrables de la reconnaissance de leur suprématie sur les métropolitains, les évêques et tous les ordres de l'Église [340-2] ; et cette suprématie, les papes zélés et purs, tels que Grégoire V, pouvaient l'exercer tout entière. Quelques-uns, même parmi les moins édifiants, ont signalé, par des actes officiels, leur sollicitude pour la régularité des monastères et pour d'autres institutions ecclésiastiques. Ce qui périssait en eux, ce n'était pas leur infaillible et immortelle autorité ; c'étaient, hélas ! leur dignité, leur liberté, leur vertu personnelle.
pp. 341-343
La papauté se releva cependant et compta quelques années de splendeur, sous deux moines, Grégoire V et Sylvestre II ; mais, après ce dernier pontife, elle retomba, comme au siècle précédent, sous le joug des passions et des intérêts de ce monde. Pendant toute la première moitié du onzième siècle, des papes médiocres et faibles ( à l'exception du seul Grégoire VI ) se succédèrent, au gré d'abord des comtes de Tusculum, voisins puissants et dangereux de Rome, puis des empereurs allemands. Une nouvelle dynastie s'était élevée après saint Henri [341-1]. Le premier souverain de la maison de Franconie, Conrad II [341-2], quoique atteint du vice commun à son époque, la simonie [341-3], ne s'écarta point de la voie tracée par ses pieux prédécesseurs : comme eux, il se montra toujours plein de sympathie pour les moines [341-4] ; comme eux, il visita avec respect le Mont-Cassin, défendit l'abbaye impériale contre les vexations des princes de Capoue [342-1] et mérita les regrets des amis de l'Ordre et de l'Église. Mais, sous son fils Henri III [342-2], recommandable du reste par de grandes qualités et par une sincère répulsion pour la simonie [342-3], les inconvénients de la position prise par Otton le Grand vis-à-vis de l'Église se reproduisirent et s'aggravèrent. Il devint alors évident que l'Église ne se gouvernait plus elle-même et qu'elle était à la merci du souverain d'Allemagne. Henri sembla vouloir le proclamer, en frappant de disgrâce l'évêque Wazon, de Liège, coupable d'avoir dit que, comme évêque, il reconnaissait devoir à l'empereur la fidélité, mais au pape seul l'obéissance [342-4]. Henri III ne se contentait pas de disposer, en maître absolu, des abbayes et des évêchés de l'Allemagne entière, d'une grande partie de l'Italie et des deux Bourgognes ou royaume d'Arles : se faisant une arme, contre la liberté des élections papales, tantôt des choix indignes et tumultueux qui avaient lieu trop souvent à Rome, tantôt des services qu'il rendait à l'Église romaine, dont il était l'avoué, en la défendant contre la tyrannie des comtes de Tusculum, il avait fini par confisquer toute liberté au profit de la puissance impériale. Il réussit, au concile de Sutri, en 1046 [343-1], à faire déposer trois papes rivaux [343-2], qui furent successivement remplacés, grâce à son autorité prépondérante, par trois autres, tous les trois allemands [343-3]. Un honteux décret du concile de 1047 consomma l'usurpation en soumettant les futures élections à la volonté de l'empereur comme patrice romain. On peut juger de ce qu'il pouvait rester d'indépendance aux évêques et aux abbés, sous le sceptre d'un prince qui disposait ainsi de la tiare.
pp. 344-345
Henri III était cependant animé d'un zèle louable et énergique en faveur de l'Église [344-1]; nul doute qu'il ne crût la servir et la défendre en la subordonnant à son autorité et en lui faisant payer, au prix de la liberté, l'ordre et la sécurité qu'elle attendait de lui. Il voulait sincèrement le bien de l'Église, mais à la condition de la gouverner lui-même, et, à vrai dire, ce fut lui qui seul en eut la direction pendant les dix premières années de son règne. Cette confusion de pouvoirs suscita moins de difficultés qu'on ne l'avait d'abord supposé. L'influence du prince était considérée comme une conséquence naturelle de la très grande autorité que la généreuse piété des empereurs de la maison de Saxe leur avait value dans les affaires ecclésiastiques. Il semble entrer dans les desseins de Dieu que son immortelle Église, comme pour rendre encore plus visible le miracle de sa durée et de son triomphe, soit sans cesse ici-bas exposée à un double danger : car telle est la délicatesse extrême et permanente de sa position, qu'elle n'a souvent pas moins à craindre de ses amis que de ses ennemis. Trop souvent les fils de ses plus dévoués protecteurs lui ont fait payer avec usure la rançon des bienfaits de leurs pères. C'est une leçon que les empereurs franconiens et les Plantagenets d'Angleterre n'ont pas été les seuls à lui donner.
Mais ce n'était pas tout que cet asservissement de l'Église mère et maîtresse. Toutes les églises courbaient la tête sous un joug encore plus honteux, celui d'une corruption effrénée et, selon toutes les apparences, irrémédiable. La foi vivait intacte dans le cœur des peuples catholiques, que nulle hérésie n'avait encore infectés ; mais, hors des monastères, les vertus sacerdotales semblaient avoir déserté les rangs du clergé chargé de guider et de maintenir les peuples dans la voie de la vérité. Si cet état s'était prolongé, nul ne peut calculer les conséquences qui en seraient résultées pour l'avenir de l'humanité ; car l'Église et la société civile vivaient alors dans une trop étroite alliance pour que l'une pût souffrir sans l'autre.
pp. 345-346
Ces maux se résumaient sous trois chefs : la simonie, ce honteux commerce des choses saintes, où les chefs du clergé étaient trop souvent les complices actifs des laïques ; l'habitude du mariage ou du concubinage chez les clercs, lesquels, après avoir acheté leurs bénéfices à des seigneurs, descendaient au niveau de ceux-ci par l'incontinence ; enfin les envahissements du pouvoir séculier et l'anéantissement de la liberté et de la pureté des éléctions ecclésiastiques, à tous les degrés, par suite de l'abus des investitures et des conséquences que l'autorité royale prétendait tirer de cette institution.
Il est difficile, pour ceux qui ne connaissent l'Église que telle qu'elle est sortie de la fournaise, épurée et sauvée par les héroïques efforts de près d'un siècle de luttes, depuis saint Léon IX jusqu'à Calixte II ; il est difficile de se figurer qu'elle ait pu tomber si bas, que les rois y disposaient, de fait et sans contrôle, de toutes les charges, de toutes les dignités ecclésiastiques ; que tout y était vénal, depuis l'épiscopat et quelquefois la papauté, jusqu'au moindre bénéfice rural ; enfin que le clergé tout entier, à la seule exception des moines et de quelques évêques et clercs cités comme des merveilles, vivait dans un concubinage permanent, systématique. Et cependant il en a été ainsi, car tous les auteurs sont unanimes pour le prouver par d'irrécusables témoignages. Voilà ce qu'il faut savoir et proclamer, pour connaître à la fois et la terrible portée des dangers qui peuvent menacer l'Église ici-bas, et l'immensité des services que lui ont rendus les papes sortis de l'Ordre Monastique.
pp. 346-348
Nulle part le mal n'était plus grand qu'en Italie, nulle part la dépravation du clergé n'atteignait un degré plus horrible [347-1]. Ce n'est pas que l'épiscopat y fût exposé aux atteintes du despotisme royal, comme en Allemagne, en France ou en Angleterre ; au contraire, la puissance des évêques y avait considérablement grandi depuis la chute des Carlovingiens. L'Italie n'était le siège d'aucune souveraineté capable d'éclipser ou de réprimer une telle autorité, sauf pendant les rares apparitions des empereurs ou des rois allemands. Mais la haute influence de l'épiscopat, loin de tourner au profit de l'Église, était au contraire une arme entre les mains de ses plus redoutables ennemis. La très grande majorité des évêques d'Italie ne se contentait pas d'appuyer, de toutes ses forces, au détriment du saint-siège, les envahissements des empereurs dont ils recevaient l'investiture, à l'exemple des évêques d'Allemagne ; ils exerçaient en outre et propageaient la simonie avec la plus révoltante effronterie [347-2]. Ils avaient fait de toutes les charges ecclésiastiques une denrée vénale, dont le marché était public [348-1]. Nous n'en citerons qu'un exemple : il y avait, en 1060, à Florence, un évêque, fils d'un seigneur de Pavie, nommé Theuzon Mezzabarba, dont les moines et les catholiques zélés ne respectaient guère l'autorité, parce qu'ils l'accusaient d'avoir acheté notoirement son évêché. Le père de l'intrus, homme simple et franc, l'étant venu voir, des Florentins dirent au vieillard : « Seigneur Theuzon, avez-vous payé une grosse somme au roi pour obtenir l'épiscopat de votre fils ? » — « Par le corps de saint Cyr, » répondit Theuzon, « on n'obtient pas un moulin, chez le roi, sans qu'il en coûte beaucoup d'argent ; aussi ai-je payé, pour l'évêché de Florence, trois mille livres comme un sol [348-2]. »
pp. 348-349
Après avoir, de la sorte, acheté leur dignité, soit de l'empereur, soit de ses vicaires ou de quelque autre usurpateur laïque ; après avoir payé, au poids de l'or, aux métropolitains et aux chapitres, le prix de leur prétendue élection, les prélats prévaricateurs se créaient, à leur tour, d'importantes ressources en vendant au clergé inférieur les offices ecclésiastiques de tous les degrés et le droit d'occuper les paroisses et les bénéfices [349-1]. Tels étaient ces prélats qu'un contemporain, saint Pierre Damien, évêque comme eux, qualifiait de brigands hérétiques, et dont il disait qu'il était plus facile de convertir un juif que de les amener à résipiscence [349-2].
pp. 349-350
Les papes eux-mêmes avaient à se reprocher d'avoir lâché la bride à cette cupidité effrénée. C'est le témoignage que rendait contre eux le pape Victor III, dans le tableau qu'il traçait, étant encore abbé du Mont-Cassin, des désordres et des maux de l'Église sous l'empereur Henri III : « Par suite de la négligence des souverains pontifes, » disait le vénérable abbé, « l'Italie tout entière succombe au fléau ; le clergé, presque sans exception, vend et achète le don du Saint-Esprit [349-3]; les prêtres et les diacres vivent publiquement avec des femmes, et s'occupent de constituer des héritages à leurs enfants ; des évêques entretiennent des concubines dans leurs maisons, sous le titre d'épouses, au sein même de Rome. » Un autre contemporain, grand ennemi des Allemands, est obligé d'avouer qu'en 1040, lors de l'élection de Clément à la papauté, « l'on aurait eu grand'peine à trouver un seul prêtre à Rome qui ne fût ou illettré, ou simoniaque, ou concubinaire [350-1]. »
pp. 350-353
Mais le siège principal du fléau était en Lombardie. Dès 820, le pape Pascal Ier avait reproché à l'Église milanaise de vendre les ordres sacrés [350-2]. Or le mal n'avait fait qu'empirer depuis lors, et au onzième siècle il était arrivé au comble. La chasse, l'ivrognerie, l'usure, la débauche sous toutes les formes, y étaient habituellement et universellement pratiquées par les ecclésiastiques de tout ordre [350-3]. Les prêtres s'y disputaient à qui aurait les habits les plus somptueux, la table la plus copieuse, ou la plus belle maîtresse [350-4]. Le clergé en masse achetait l'ordination et les bénéfices, se livrait à tous les désordres et nourrissait une haine profonde contre la suprématie romaine… En vain quelques prêtres et quelques clercs restés purs, dirigés par deux nobles milanais, le chanoine Anselme de Badoagio [351-1], le saint diacre Ariald [351-2], et appuyés par un certain nombre de laïques fidèles, avaient-ils formé, sous le nom de Pataria, une grande association pour la défense de la foi [351-3]. Cette association, qu'encourageaient les légats apostoliques Pierre Damien et Hildebrand, ne réussit, après une lutte héroïque de vingt années contre la dépravation et les violences sanguinaires du clergé lombard, qu'à mettre momentanément un frein au débordement ; le mal, fomenté par Guido, l'archevêque simoniaque de Milan, finissait toujours par renaître et par l'emporter. Les capitaines des villes et les feudataires qui vendaient les bénéfices à leur profit, les familles des innombrables clercs simoniaques, soutenus par les parents mêmes de leurs concubines, formaient une armée trop nombreuse et trop intéressée au scandale pour que les efforts des catholiques orthodoxes pussent alors triompher [352-1]. Le chef du parti catholique, le diacre Ariald, y conquit à la fin le martyre. Voici en quels termes un moine qui fut son disciple et que l'Église a aussi béatifié le B. André, raconte la dernière lutte de ce glorieux défenseur du célibat ecclésiastique : « Deux clercs, envoyés par la nièce de l'archevêque Guido, arrivèrent tout à coup dans l'île déserte qu'habitait Ariald et se jetèrent sur lui comme des lions affamés se jettent sur une proie. Ayant tiré du fourreau les épées affilées dont ils s'étaient munis, ils saisirent leur victime, chacun par une oreille, et l'interpellèrent en ces termes : Dis, scélérat, notre maître est-il un véritable et digne archevêque ? » — « Il ne l'a jamais été, répondit ce Ariald, car ni dans le passé ni actuellement il n'a fait ni ne fait œuvre d'archevêque. » À ces ce mots, les deux bandits abattirent les oreilles du saint diacre, qui, levant les yeux au ciel, s'écria : Je vous remercie, Seigneur Jésus, d'avoir aujourd'hui daigné m'admettre parmi vos martyrs. » Interrogé une seconde fois, Ariald répondit, avec une héroïque constance : « Non, votre maître n'est point ce que vous prétendez. » « Alors, les deux bourreaux lui enlevèrent le nez, ce la lèvre supérieure, et lui crevèrent les deux yeux ; après quoi, ils lui coupèrent la main droite, en disant : C'est elle qui a écrit les lettres envoyées à Rome par toi. » Cela fait, les scélérats accomplirent sur le patient la plus honteuse des mutilations, en ajoutant par dérision : « Tu as été un prédicateur de la chasteté, maintenant tu seras chaste à jamais. » Enfin, on lui arracha ce la langue, par une ouverture faite au-dessous du ce menton, en prononçant ces odieuses paroles : « Elle se taira maintenant, cette langue qui a demandé la dispersion des familles de clercs et fait séparer les maris de leurs épouses. » Mais déjà « l'âme d'Ariald avait quitté la terre » [353-1].
pp. 353-354
L'héroïque chrétien mourut le 27 juin 1066 ; mais cette mort n'amena point la fin de la guerre : le sang du martyr servit seulement à féconder les germes de la victoire qui fit plus tard triompher la cause de l'unité et du célibat, même au sein de l'Église la plus rebelle à la discipline romaine. En Espagne, des désordres analogues avaient dû se produire, à l'occasion du mariage des prêtres, car on voit le concile de Girone, tenu en 1078 par un légat de Grégoire VII, condamner, dans trois canons différents, la transmission héréditaire des bénéfices ecclésiastiques aux fils des prêtres et des clercs [354-1].
pp. 354-355
En France, le pouvoir royal dominait déjà dans les élections épiscopales et y donnait pleine carrière à la simonie. Une foule de prélats français, comme le prouvent les récits contemporains, ne devaient leur dignité qu'à l'argent dont ils l'avaient payée. La simonie était devenue le principal revenu de la royauté, celui dont les produits étaient les plus réguliers et les plus abondants. Le roi Philippe Ier, que l'histoire signale comme l'homme le plus vénal en matières spirituelles [354-2], ne se contentait pas de vendre les dignités ecclésiastiques ; il ajoutait à cette ressource celle de piller les marchands étrangers qui venaient aux foires en France. À son exemple, certains seigneurs mettaient à rançon les pèlerins français qui se rendaient à Rome [355-1].
Quant au clergé secondaire, on pourra juger combien il avait profité des exemples donnés par ses supérieurs, d'après la résistance acharnée qu'il opposa aux décrets réformateurs de saint Grégoire VII, spécialement dans les métropoles de Reims et de Rouen. En Normandie, les prêtres se mariaient publiquement, moyennant payement d'une taxe aux évêques [355-2], et ils léguaient effrontément leurs églises et leurs bénéfices à leurs fils ou les donnaient en dot à leurs filles [355-3].
pp. 355-356
Partout, les enfants des prêtres, déshonorés par le fait seul de leur naissance, objet de la réprobation populaire aussi bien que des interdictions canoniques, se transformaient en autant d'adversaires acharnés de la cause catholique. « L'Église, » disait le pape Benoît VIII en plein concile, « l'Église n'a pas de pires ennemis que ces fils infâmes de pères infâmes [356-1]. »
pp. 356-357
En Allemagne, le mal était encore plus invétéré et plus général qu'en France, car il avait infecté jusqu'à l'Ordre Monastique lui-même. La simonie y régnait en souveraine, dans toutes ses variétés ; elle imposait à tout l'ordre ecclésiastique une soumission servile aux volontés et aux intérêts du maître terrestre ; et, de la sorte, elle établissait, entre les vices des princes et la faiblesse de l'Église, les liens d'une honteuse solidarité. Ce n'étaient pas seulement les achats de bénéfices que les docteurs catholiques réprouvaient sous le nom de simonie : ils en trouvaient tous les caractères dans les complaisances obséquieuses, dans les adulations coupables dont les clercs accablaient les princes, en vue d'obtenir d'eux des faveurs quelconques [356-2]. Du reste, l'argent était le moyen le plus habituellement et le plus fructueusement employé ; de l'autre côté du Rhin, comme en France et en Italie, les évêques étaient, pour la plupart, les auteurs ou les ministres intéressés de cette profanation. Elle y prenait des proportions d'autant plus alarmantes, qu'elle se combinait avec l'usage des investitures, plus fréquent et plus universel en Allemagne qu'ailleurs, et qui avait amené les empereurs à s'arroger le droit non seulement de conférer à des favoris les fiefs territoriaux attachés aux divers bénéfices, mais encore de livrer toutes les dignités de l'Église à des candidats de leur choix.
pp. 357-358
Les prêtres, chez qui trop souvent l'ambition tenait lieu de conscience, s'habituaient à considérer le pouvoir laïque comme l'unique source des dignités ecclésiastiques ; ils savaient que ce pouvoir avait toujours besoin d'argent, et que leurs offres pécuniaires séduiraient les princes même les mieux intentionnés, puisque la simonie constituait leur revenu le plus certain. Ce monstrueux abus s'était tellement invétéré, que les souverains les plus pieux et quelquefois les plus austères en plaisantaient comme d'une infirmité générale. Lorsque Otton le Grand eut conféré l'évêché de Ratisbonne à un saint moine de Saint-Emmeran, nommé Gunther, il lui demanda ce qu'il comptait donner pour prix de l'épiscopat obtenu ; à quoi le bon religieux répondit, en riant : « Rien que mes souliers [358-1]. » Or, qui ne conçoit qu'une pareille vénalité devait amener d'abus chez les clercs, dont on devait attendre moins de désintéressement et de simplicité que de la part d'un Gunther ? L'histoire nous montre la cour des empereurs inondée de clercs avides, déréglés de mœurs, à l'affût des prélatures vacantes, les disputant aux enchères et toujours prêts à se maintenir, par de serviles complaisances, dans les dignités qu'ils devaient à la plus scandaleuse prévarication [358-2].
pp. 358-359
Il faut rendre à l'empereur Henri III cette justice, qu'il fit de généreux efforts pour détruire le fléau de la simonie [358-3], que son père, Conrad II, avait au contraire développé. Dans une réunion générale des prélats de l'Empire, le prince, un jour, avait adressé d'énergiques remontrances au sujet de l'avarice et de la cupidité des clercs : « Tous les ordres delà hiérarchie ecclésiastique, » disait-il, « depuis les chefs de l'Église jusqu'au portier, sont écrasés sous le poids de leur damnation, et le brigandage spirituel, selon la parole du Seigneur, les domine tous [359-1]. » Henri rendit même un édit par lequel il était interdit de payer ou de recevoir de l'argent pour aucun grade ou office ecclésiastique, sous peine d'anathème. Il promettait de donner lui-même l'exemple : « Dieu, » disait-il, « Dieu m'a livré pour rien et par pure miséricorde la couronne de l'Empire : je ferai donc de même pour tout ce qui tient à l'Église [359-2]. »
pp. 359-360
Mais ce n'était point à l'énergie d'un laïque que Dieu réservait l'honneur de purifier l'Église : il fallait préalablement l'affranchir, et c'est à quoi ne songeait guère Henri III. Les bonnes intentions du prince restèrent donc complètement inefficaces, et, lorsqu'à sa mort, en 1056, la couronne d'Allemagne échut à Henri IV encore enfant, la simonie et le concubinage désolaient à l'envi l'Église germanique. Depuis lors, les deux fléaux ne firent que s'étendre et s'enraciner. Ils atteignirent leur apogée lorsque le jeune roi se mit à gouverner par lui-même. Henri vendait ouvertement, au plus offrant, les évêchés, les abbayes, les doyennés ; d'autres fois, il les livrait à des clercs impudiques, complices de ses débauches [359-3], ou à ceux dont il savait que la basse complaisance n'opposerait jamais de résistance à sa volonté [360-1]. Souvent même il pourvoyait successivement deux concurrents du même évêché, se réservant, comme pour ajouter la dérision à la plus sacrilège cupidité, de faire déposer le premier comme simoniaque, si le second offrait une somme plus forte [360-2].
pp. 360-361
La liberté des élections avait donc complètement disparu ; l'élection elle-même n'existait plus, à vrai dire, que de nom : sous une vaine formalité se déguisait le choix imposé par le roi, comme cela se pratique encore aujourd'hui dans l'église anglicane. Quand, par hasard, le clergé d'un diocèse ne voulait pas accepter le candidat qu'il plaisait au roi de lui imposer, Henri intervenait et rendait, par le fait, impossible tout autre choix [360-3] : le clergé finissait toujours par céder. C'est ainsi que le roi était parvenu à faire élever sur le siège métropolitain de Cologne un homme de rien, nommé Hidulphe, si détesté et si méprisé que, lorsqu'il paraissait dans les rues, le peuple lui jetait des pierres et le poursuivait de brocards et de paroles injurieuses [360-4]. Mais Hidulphe, malgré tout, faisait partie, depuis longtemps, du chapitre de la cathédrale de Goslar, où Henri IV résidait habiluellement, et dont les chanoines, hommes dégradés par tous les vices d'une cour débauchée et sans frein, formaient comme la pépinière qui fournissait d'évêques les grands sièges d'Allemagne et d'Italie [361-1]. Aussi le mépris et l'horreur qu'inspiraient aux fidèles des pasteurs de cette espèce n'avaient-ils point de bornes [361-2].
pp. 361-362
Il est facile de comprendre quel lien fatal et puissant unissait les trois fléaux de l'incontinence, de la simonie et des investitures. Les misérables prêtres qui avaient commencé par payer fort cher, au prince ou à l'évêque, leur sacerdoce et leur bénéfice, étaient obligés, en outre, d'entretenir une femme et des enfants. Leur ardent désir devait être, par conséquent, d'abord de s'indemniser de leurs sacrifices pécuniaires, et, en second lieu d'assurer le sort de leur famille, en transformant, autant que faire se pouvait, leur bénéfice en une propriété héréditaire, qu'ils s'efforçaient de faire passer à l'un de leurs enfants ou de leurs proches. Mais, pour y parvenir, il fallait l'appui de l'autorité temporelle. De là l'empressement du clergé, énervé par son déshonneur même, à courir au-devant de l'investiture impériale, à y chercher la véritable source et la garantie unique de toute autorité spirituelle, et, en même temps, de l'anéantissement complet de la liberté et de la dignité ecclésiastiques.
pp. 362-363
Selon l'énergique langage d'un docteur du douzième siècle, les princes de ce temps-là imposaient à l'Église, non pas les élus de Dieu, mais les leurs, alin de mieux les humilier, après les avoir choisis. L'Église, de maîtresse qu'elle avait été, était devenue servante. Ce n'était plus l'élection des clercs, le consentement des nobles, la pétition des peuples, qui déterminaient le choix des évêques. On ne recherchait plus ni la sainteté ni la science. Le premier venu n'avait qu'à se présenter la main remplie d'argent, et il devenait le prêtre non du Seigneur, mais de Mammon, du prince de ce monde à qui Satan a dit : Je te donnerai tout, si tu te prosternes et si tu m'adores. Les clients des souverains exploitaient incessamment l'orgueil et l'avarice de leurs maîtres, et leur témoignaient d'autant plus de servilité, qu'ils étaient sûrs par là d'arriver au faîte des dignités ecclésiastiques. Cette lèpre, descendue d'un être souillé, c'est-à-dire de l'empereur, et passant par des pontifes déjà corrompus, se répandait sur tout le corps du clergé. Quand un évêque avait acheté son siège plusieurs centaines de marcs, il n'avait rien de plus pressé, pour remplir sa bourse vide, que de vendre aux prêtres les abbayes, les prévôtés, les archiprêtrés, les archidiaconés, les paroisses, et aux clercs le sacerdoce : et ceux qui avaient acquis toutes ces choses trafiquaient, à leur tour, des divers offices de l'Église, et même des lieux de sépulture, pour se rembourser de leurs avances [363-1].
pp. 363-364
Les choses se passaient ainsi en Italie, ainsi en Allemagne, ainsi même en France. L'Église entière était souillée. Tous les témoignages sont d'accord pour attester que, depuis les évêques jusqu'aux derniers des curés, tout l'ordre ecclésiastique était atteint d'une contagion dont le douloureux souvenir s'est prolongé à travers les siècles catholiques, et ne fit que croître en intensité jusqu'au jour où Hildebrand se dressa, comme un mur, contre le fléau, rétablit le droit ancien, sauva la pureté de l'Église en même temps que sa liberté, et refoula le torrent de la corruption dans son ignoble lit [364-1].
Mais, on peut l'affirmer, tout le génie de Hildebrand eût été impuissant pour arrêter le mal et pour le guérir, s'il n'avait pu disposer, dans cette lutte suprême, des ressources que lui présentait l'Ordre Monastique.
pp. 364-365
On a vu, par tout ce qui précède, que cet Ordre avait constamment et glorieusement lutté contre la corruption humaine, non seulement dans le monde, mais encore et surtout dans le sein de l'Église. À l'époque où nous sommes arrivés, l'Église gémissait sous le triple joug de la simonie, de l'incontinence sacerdotale et de la suprématie temporelle. Or l'Ordre Monastique se développait, depuis six siècles, en s'appuyant, lui, sur trois principes diamétralement opposés à ceux qui dominaient dans le monde et qui se résumaient dans les trois vœux de pauvreté, de chasteté, d'obéissance. Les moines, nous l'avons dit, n'échappaient pas toujours à la contagion. Qui ne sait, en effet, quels scandales et quels maux avaient souillé certains monastères ? Mais il est incontestable que les scandales y étaient moins éclatants, les maux moins incurables qu'ailleurs, et qu'on y voyait renaître et réagir sans cesse, et avec une incomparable splendeur, l'énergie primitive de l'institut.
pp. 365-366
À l'égard de la simonie, l'idée même de la propriété avait été profondément modifiée et en quelque sorte transformée, dans toutes les institutions monastiques, par la règle invariable qui interdisait rigoureusement au moine la possession de tout bien propre. La simonie régnait, il est vrai, là où les princes s'étaient arrogé le droit de disposer des abbayes ; mais elle disparaissait naturellement lorsque des princes pieux, comme il s'en rencontrait souvent, renonçaient à pourvoir aux abbayes, tout en gardant par devers eux la disposition des évêchés et autres bénéfices séculiers. En France, par exemple, à l'avènement des Capétiens, les rois renoncèrent, pendant deux ou trois siècles, à la nomination des abbés, et la simonie ne s'exerça plus que dans les relations des abbés avec les évêques ou des moines entre eux. En Allemagne même, l'influence du fléau ne fut ni si délétère ni si profonde parmi les moines que parmi les membres du clergé séculier pourvus de dignités ecclésiastiques, puisque, à côté de l'abbé élu à prix d'argent, il y avait toujours des moines qui, dépouillés de tout, le premier jour de leur entrée dans le cloître, devaient nécessairement réagir, tôt ou tard, contre un chef simoniaque.
En ce qui touchait au célibat ecclésiastique, la continence avait été, depuis l'origine, la loi universelle et obligatoire des moines, loi sans cesse confirmée, en Orient comme en Occident, par les conciles et par les papes. Quels qu'eussent été les usages suivis, les doctrines professées, les abus tolérés, à diverses époques et dans divers pays, relativement au mariage des prêtres, partout et toujours les religieux étaient restés purs de tout soupçon à cet égard ; jamais aucun lien d'affection exclusive et domestique n'était venu enchaîner leur dévouement à Dieu et au prochain. Les chutes individuelles n'avaient pu porter atteinte au principe fondamental de leur institution ; car, au sein même des plus grandes irrégularités, en fait de pureté du moins, on les avait presque toujours trouvés sans reproche [366-1].
pp. 366-367
Enfin, en ce qui touchait à la subordination du spirituel au temporel, il n'était pas à craindre que des hommes obligés par un vœu solennel, et enchaînés par l'habitude de toute leur vie aux liens de la plus stricte obéissance envers leur supérieur spirituel, pussent hésiter à préférer l'autorité de l'Église et de son chef à tout autre pouvoir. Les papes, en travaillant avec une si constante sollicitude à garantir l'indépendance de l'Ordre Monastique contre les excès du pouvoir épiscopal, avaient été guidés par un instinct d'une admirable justesse. Ils devaient donc, au moment voulu, trouver dans les rangs des moines l'armée dont ils avaient besoin pour défendre le sanctuaire et reconquérir la liberté de l'épiscopat lui-même. Nous verrons que, malgré les donations et les exemptions sans nombre que les princes s'étaient plu à conférer aux enfants de Saint-Benoît, leur reconnaissance n'alla presque jamais jusqu'à les entraîner à trahir la cause de l'unité, ni cette sainte liberté de l'Église sans laquelle leur existence n'eût été qu'une contradiction et une folie [367-1].
pp. 367-368
Aussi, l'instinct des souverains ne les trompa jamais à cet égard : à mesure que se développait, dans leur esprit et dans leurs actes, le système qui tendait à soumettre l'Église à l'autorité royale, au moyen des investitures, les évêques, que Charlemagne et ses successeurs prenaient en majorité dans les monastères, cessèrent d'être choisis parmi les moines : la chapelle impériale devint le séminaire des évêques. Un moine évêque ne fut plus qu'une exception excitant la surprise et le mécontentement des familiers de cour. Divers traits nous montrent combien était profonde la répulsion instinctive des courtisans laïques et même ecclésiastiques contre les moines en général. Dès la fin du dixième siècle, quand l'empereur Otton II conféra l'évêché de Ratisbonne à saint Wolfgang, moine de Notre-Dame des Ermites, en Suisse, la haute naissance du saint religieux [368-1] ne suffisait plus pour mettre ce choix à l'abri de la critique. Voyant un jour le prélat dire la messe, revêtu, sous ses ornements pontificaux, du froc monastique en gros drap, un chevalier dit à haute voix : « L'empereur a été bien maladroit le jour où il a pris cet homme mal tourné et mal vêtu pour faire de lui un évêque, de préférence à tant de nobles seigneurs qui abondent en ses États [368-2]. »
pp. 368-369
Les évêques d'Allemagne étaient choisis plus rarement encore au sein des monastères. Lorsqu'en 1032 Conrad II appela au siège métropolitain de Mayence un pieux moine de Fulda, nommé Bardon, les familiers de la cour impériale blâmèrent tout haut la nomination d'un homme de cette espèce, comme ils disaient, à un siège si éminent : « C'est un moine qui peut valoir quelque chose dans son petit monastère, ajoutaient-ils, mais il n'est point fait pour un trône archiépiscopal ; » et ils se moquaient du nouvel élu, en criant : Mo, mo, première syllabe du nom de moine ( monachus ) qui leur était tout à fait odieux. Ce paysan était cependant de très vaillante race, et proche parent de l'impératrice ; mais, à leurs yeux, être moine effaçait toutes les qualités [369-1].
On le voit, le remède existait à côté du mal, et les auteurs du mal le pressentaient. Les moines avaient déjà converti la moitié de l'Europe ; ils avaient rempli l'Église du parfum de leur vertu et de l'éclat de leur sainteté : il leur restait maintenant à la sauver du plus grand danger qu'elle eût encore couru.
[339-1] Ce point essentiel est parfaitement établi par Höfler, Hist. des papes allemands, t. I, introd., p. 46-52 ; par Bowden, Hist. de Grég. VII, liv. I, c. 2 et 5, ainsi que par M. Jager, dans son excellente Introduction à la traduction de l'Histoire de Grégoire VII par Voigt, où il réfute victorieusement la mauvaise foi de Fleury.
[339-2]. C'est ce qui est parfaitement démontré par les textes réunis dans l'ouvrage de M. Gosselin, du Pouvoir du pape au moyen âge, ch. 3, art. 3, p. 615 à 628.
[339-3]. Romanorum præpotens imperator valentiorem sibi in Christo apostolicum nomine Benedictum, quem nullus absque Deo judicare poterit, injuste ut spero accusatum deponi consensit, quod utinam non ecisset. Dithmar de Mersebourg, ap. Leirnitz, Script., t. II.
[340-1]. Voltaire lui-même l'a reconnu : « On s'étonne, dit-il, que sous tant de papes si scandaleux et si peu puissants, l'Église romaine ne perdit ni ses prérogatives ni ses prétentions. » Essai sur les mœurs, t. I, c. 35. À quoi le comte de Maistre répond : « C'est fort bien de s'étonner, car le phénomène est humainement inexplicable. »
[340-2]. Plusieurs écrivains attribuent cette suprématie incontestée des papes du dixième siècle à l'influence exercée par le code des fausses décrétales, qui avaient paru au milieu du siècle précédent, et qui acquirent peu à peu force de loi dans toute la chrétienté. Mais ces décrétales se taisent sur les prérogatives les plus essentielles de la papauté, et, d'ailleurs, elles n'étaient fausses qu'en ce sens qu'elles transformaient des récits biographiques en décrets solennels, et plaçaient des décisions récentes sous des noms plus anciens. Vouloir, comme M. Guizot, faire dater de là l'origine de la puissance pontificale, c'est méconnaître tous les résultats de l'histoire des huit premiers siècles de notre ère. Cf. Ozanam, de l'Établissement du Christianisme en Allemagne, dans le Correspondant, t. IV, p. 413 ; Laferrière, Revue de législation, t. VIII, p. 612, et Pierre Varin, Archives administratives de Reims, t. I, p. 109.
[341-1]. Vide supra.
[341-2]. De 1024 à 1039.
[341-3]. Voigt, Hildebrand und sein Zeitalte, Th. p. 9.
[341-4]. Si paci et tranquillitati ecclesiarum Dei pia ac benigna sollicitudine prospicimus, hanc vicissitudinem nos a pio creatore nostro accepturos credamus, ut et regni nobis a Deo commissi gubernacula in hoc tempore cum pace et tranquillitate possidere valeamus, ac in regno æternæ beatitudinis requiem… inveniamus. Diplôme pour l'abbaye de Corvey, in Ampliss. Collect., t. II, p. 607.
[342-1]. Il leur donna un abbé lorsque les religieux se furent volontairement départis entre ses mains du droit d'élection.
[342-2]. II régna de 1039 à 1056.
[342-3]. Stenzel, Geschichte der frænkischen Kaiser, t. II, p. 130.
[342-4]. Summo pontifici obedientiam, vobis autem debemus fidelitatem. Anselm., Gest. Leod. Episcop., c. 55, ap. Hœfler, t. II, 27.
[343-1] Le récit le plus complet de cette crise humiliante pour l'Église se trouve dans l'ouvrage de Bonizon, évêque de Sutri et de Plaisance, martyrisé en 1089. Cet ouvrage, intitulé Liber ad amicum ( apud Œfele, Script. ver. Boicarum, t. II, p. 801 ), est assez inexact sur les événements antérieurs ; mais il contient le récit le plus fidèle des événements arrivés en Italie depuis le règne de Henri III.
[343-2]. Benoît IX, Sylvestre III et le vertueux Grégoire VI, qui se reconnut lui-même coupable de simonie. Nihil melius putabat quam electionem clerico et populo per tyrannidem injuste sublatam his pecuniis restaurare. Bonizo, p. 802.
[343-3]. Clément II, Damase II et Léon IX.
[344-1]. Aussi saint Grégoire VII, dans sa correspondance, parle toujours du prince avec respect et affection. Il savait apprécier ses intentions, tout en démolissant son œuvre.
[347-1]. La plus forte preuve de l'horrible dépravation qui régnait alors dans le clergé séculier d'Italie, se trouve dans le traité de saint Pierre Damien intitulé Liber Gomorrhianus, qui fut approuvé par le pape saint Léon IX, mais qu'Alexandre II jugeait avec raison d'une trop grande crudité pour être livré au public. C'est pourquoi le pape déroba cette œuvre à son auteur et l'enferma dans une cassette. Voir les plaintes de saint Pierre Damien à ce sujet, liv. II, C. 6.
[347-2]. Döllinger, Lehrbuch der Kirchen Geschichte, t. Il, § 82. — Stentzel, Geschichte der frœnkischen Kaiser, t. I, p. 109.
[348-1]. Omnia ministeria ecclesiastica eo tempore ita habebantur venalia, quasi in foro sæcularia mercimonia. Radul. Glabr., l. V, c. 5.
[348-2]. Fleury, Hist. ecclésiastiq., l. LXI, c. 1.
[349-1] Déjà le pape Sylvestre II avait dénoncé les évêques qui payaient aux archevêques le prix de leur consécration, et qui vendaient à leur tour les ordres au clergé inférieur. Domnizo, l'auteur de la Vie rimée de la comtesse Mathilde, qui est l'une des sources les plus authentiques pour l'histoire de ce temps, dit expressément :
Sed et omnis episcopus urbis
Plebes vendebat, quas sub se quisque regebat
Exemplo quorum, manibus nec non laicorum
Ecclesiæ Christi vendebantur maledictis
Presbyteris, clericis, quod erat confusio plebis.
Vita Matildis, I, 16.
Plèbes veut dire paroisse, en italien pieve.
[349-2]. S. Petr. Dam., in Vita S. Romualdi, c. 35.
[349-3]. Desideru, abb. Casin., Dial. de mirac., lib. III, ap. Murator., Script., IV, p. 396.
[350-1]. Bonizo, Lib. ad amic., p. 802.
[350-2]. Dœllinger, op. cit., t. II, p. 87.
[350-3]. B. Andræ Vita S. Ariald., ap. Act. SS. O. B., die 27 junii.
[350-4]. Vita S. Anselm. Lucens., c. 12, in Act. SS. O, B., t. IX.
[351-1]. Il importe de distinguer entre les deux Anselme qui figurent dans l'histoire de l'Église pendant cette période : le premier, Anselme de Badoagio, évêque de Lucques, fut pape sous le nom d'Alexandre II ; le second, neveu du précédent, fut comme lui chanoine de Milan et évêque de Lucques ; il dirigea la comtesse Mathilde, et l'Église le vénère sous le nom de saint Anselme de Lucques. On verra plus loin l'histoire d'un troisième Anselme, également Italien, saint Anselme de Cantorbéry.
[351-2]. Ex equestri progenie trahens ortum, vir liberalibus studiis ad prime eruditus. Bonizo, l. c, p. 805. — Il eut pour associé dans sa tentative un autre diacre, Landulphe, que Bonizon qualifie ainsi : ex mqjorum prosapia ortus, vir urbanus et facundissimus.
[351-3]. Bonizo, l. c.
[352-1]. Bonizo, l. c. — Voir, pour les détails intéressants de cette lutte, Arnulph., Hist. Mediol., et Landulph. Senior., Hist. Mediol., ap. Murat., Script., t. IV ; Puricelli, de SS. martyr. Ariald. et Berlemb., 1657, et ap. Act. SS. Bolland., die 27 junii. Le Manuel d'histoire ecclésiastique du professeur Dœllinger en donne un excellent résumé.
[353-1]. Nous empruntons ici la traduction des textes originaux qu'a donnée M. le comte d'Horrer dans un récit animé intitulé la Pataria de Milan, au tome XXIII de l'Université catholique, juin 1847.
[354-1]. Can. 3, 4 et 5, ap. Labb. et Coletti., Concil., t. XII, p. 627.
[354-2]. Hominem in rebus Dei venalissimum, Guibert. Novig., de Vita sua, l. III, c. 2.
[355-1]. Voir les reproches énergiques qu'élevait contre Philippe Ier S. Grégoire VII. Regist., 1. 1, ep. 35 ; II, ep. 5 et 18.
[355-2]. Voir les prohibitions du concile de Lillebonne à ce sujet, en 1080. Labbe et Coletti, t. XII, p. 650-654.
[355-3]. Pro consuetudine tunc temporis per totam Normanniam hoc erat, ut presbyteri publice uxores ducerent, nuptias celebrarent, filios ac filias procrearent, quibus hæreditario jure post obitum suum ecclesias relinquerent, filias suas nuptui tradetes, multoties, si alia deesset possessio, ecclesiam dabant in dotem.
[356-1]. Ipsi quoque clerici… ampla prædia, ampla patrimonia et quæcumque bona possunt, de bonis Ecclesiæ…. infamis patris infamibus filiis adquirunt…. Hi sunt qui tumultuantur contra Ecclesiam : nulli pejores hostes Ecclesiæ quam isti. Præfat. Benedict. VII ad concil. Ticin. Mansi, XIX, p. Ma, ap. Hœfler, I, 206.
[356-2]. Voici la définition que donne saint Pierre Damien des différentes espèces de simonie : Tria dicuntur esse munerura genera, scilicet munus a manu ( i. e. pecunia ), munus ab obsequio ( i. e. obedientia subjectionis ), et munus a lingua ( i. e. favor adulationis ). Opuscul. XXII, c. 1, contra clericos aulicos.
[358-1]. Annalista Saxo, ad ann. 952. Diethm. Merseb., Chron., II, 8, c. 17.
[358-2]. Gesta Trevirens. Archiep., ap. Martène, Ampliss. Collectio, t. IV, p. 171. — Voir en outre, passim, Lambert d'Aschaffenbourg, tous les auteurs contemporains, et ceux de notre temps, Voigt, Stentzel, Döllinger, Alzog., etc.
[358-3]. C'est le témoignage que lui rend saint Pierre Damien.
[359-1]. Radulph. Glabr., Hist., lib. V, c. 5, ap. Duchesne, Script. t. IV, p. 58.
[359-2]. Ibid.
[359-3]. Vita S. Anselm. Lucens., c. 22.
[360-1]. Lambert, ann. 1076.
[360-2]. Bruno, de Bello Saxon,, c. 15, ap. Pertz, V, 334.
[360-3]. Lambert, ann. 1076.
[360-4]. Ibid.
[361-1]. Par exemple, outre Hidulphe, archevêque de Cologne, l'indigne successeur du grand Hannon, Rupert, évêque de Bamberg, Guillaume, évêque de Vérone, tous assistants au conciliabule de Worms, où Grégoire fut déclaré déchu de la papauté. Cf. Döllinger., Handbuch, t. II, p. 137 à 150. — Une ancienne Vie de saint Bennon, reproduite par les Bollandistes, Act. SS. Junii, t. III, p. 160, donne la liste complète des quarante-six évêques qui furent tirés de ce chapitre pendant les règnes de Henri IV et de Henri V.
[361-2]. Virum pessimæ existimationis in populo, eo quod regi familiarissimus et omnibus ejus secretis semper intimus fuisset. C'est ce que dit Lambert d'Aschaffenburg ( ann. 1075 ) de ce Rupert que Henri avait pris dans le chapitre de Goslar pour faire de lui un évêque de Bamber.
[363-1]. Gerhor. Reichersperg., De stat. Eccl., c. 10, ap. Gretser, t. IV, p. 249
[364-1]. Gerhor. Reichersperg., Expos. in Ps. XXXIX, ap. Pez, Thes. aneed. noviss. t. V.
[366-1]. Il a été dit des moines anglais du temps de la conquête et que Lanfranc réforma : Secularibus haud absimiles erant nisi quod pudicitiam non facile proderent, canum cursibus avocari… Spumantis equi tergum premere, tesseras quatere, potibus indulgere, delicatiori victu…. et cætera id genus, ut magis illos consules quam monachos frequentia famulantium diceres. Wilhelm Malmesbur., de Gestis pontif. angl., lib. I, c. 1, in Lanfranco.
[367-1]. Döllinger, Lehrbuch, t. II, p. 15.
[368-1]. Il était fils du comte de Pfullingen, en Souabe, et d'une comtesse de Veringen. P. Landolf, Ursprung Einsiedlens, p. 106.
[368-2]. Arnolfus, De memoria B. Emmerani ejusque cultorum, in Act. SS. O. B., t. VIII, p. 10.
[369-1]. Vita S. Bardonis, in Act. SS. O. B., t. X, p. 9-14.
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A écouter!
Par Bernard Coudurier
Organiste à Saint-Bruno les Chartreux

Réalisé par deux éminents facteurs d’orgues, Jean-Marie Tricoteaux et Bernard Aubertin, l’orgue de l’église St Vincent est résolument le plus bel orgue d’esthétique nord-allemande de Lyon et de sa région.
L’harmoniste Jean-Marie Tricoteaux s’est fixé le but de lui donner le style sonore d’un instrument d’Allemagne du Nord des années 1700.
Bernard Coudurier, organiste à Saint-Bruno, a choisi pour l'enregistrement de cet orgue aux magnifiques couleurs sonores, un type de programme en adéquation avec son esthétique.
Cet enregistrement est disponible sur You tube, Spotify, Deezer, etc, en cliquant sur le nom de Bernard Coudurier et orgue Saint-Vincent.
Avant d'être le musicien, le créateur, le compositeur universel, intemporel que nous connaissons tous… il était une fois un petit garçon, Jean-Sébastien,
Johann Sebastian en allemand, que nous pouvons imaginer, vivant dans la quiétude de la maison familiale, à Eisenach, au coeur de la forêt de Thuringe. Brutalement, à l’âge de neuf ans, il perd subitement sa mère. Et à l'âge de dix ans, son père. Orphelin à un âge réclamant toute la tendresse de ses parents, la dureté impitoyable de la vie force la porte familiale. Cette déchirure affective le suivra toute sa vie et marquera une partie de ses oeuvres. Son indéfectible foi dans le dogme luthérien, une intelligence supérieure et une insatiable curiosité seront les moteurs de son oeuvre.
En mai 1720, Bach entreprend un voyage professionnel à Karlsbad. A son retour à Coethen, en juillet 1720, il découvre brutalement que sa chère épouse Maria-Barbara est morte et enterrée, laissant quatre enfants désemparés.
Il faut connaître cet épisode dramatique de sa vie pour écouter sa Fantaisie et fugue en sol mineur BWV542 ici enregistrée, l’une des oeuvres les plus grandioses de sa production. La fantaisie est un vrai cri de détresse, "clameurs désespérées, sanglots de détresse dans des abimes de souffrance solitaire ” ( Gilles Cantagrel ) , alternés par des passages plein de tendresse …
La fugue qui suivra apparait comme un cheminement implacable, celui d’une homme meurtri mais résolu à surmonter l’adversité, reflet de sa foi indéfectible. Elle apparait comme un flot d’énergie vitale. Son sujet est une chanson populaire hollandaise. A une époque où profane et sacré n’ont pas de frontière, la foi en la vie, en son Dieu s’exprime ici avec véhémence.
Bach signera ”In soli Deo gloria".
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Les madones de Lyon
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